Revue des Colonies N°2Charlotte Joublot FerréPublication InformationInformation about the source
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REVUEDESCOLONIES,RECUEIL MENSUEL DE LA POLITIQUE, DE L'ADMINISTRATION, DE
LA JUSTICE, DE L'INSTRUCTION ET DES MOEURS COLONIALES,PAR UNE SOCIÉTÉ D'HOMMES DE COULEURSOCIÉTÉ D'HOMMES DE COULEUR DIRIGÉE PAR C.-A. BISSETTEC.-A. BISSETTE.N°2Août.PARIS, AU BUREAU DE LA REVUE DES
COLONIES, 46, RUE NEUVE-SAINT-EUSTACHE1834.
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REVUEDES COLONIESDE L'ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.AÀ l'heure où nous écrivons ces lignes, l'émancipation des esclaves est
proclamée dans toutes les colonies de l'empire britannique. L'admirable
bill dont la mise en pratique a été fixée au 1er août
1834 va changer la face des colonies. De toutes parts s'émeuvent et se
réjouissent ces populations affranchies du jong et admises enfin au partage de la
liberté commune. Le bill a tout prévu, tout réglé, autant qu'il lui
était possible, dans l'intérêt des maîtres, que la loi indemnise, et dans
l'intérêt des esclaves, auxquels elle assure l'existence et un honorable travail.
Près de 500 millions de francs seront employés à cette œuvre toute de philantropiephilanthropie et de justice, de conciliation à la fois et de liberté ! Ce bel exemple
donné par le parlement britanniqueparlement britannique, il est deux
grandes nations qui ne sont pas près encore de l'imiter. Les législatures de la
FranceFrance et des
États-UnisÉtats-Unis n'ont abordé ces
questions jusqu'ici que d'une manière méticuleuse ; rien de grand, aucuns principes
larges n'y ont encore triomphé ; et cependant aux colonies, la question presse :
l'homme souffre et ne s'accommode du joug qu'à son corps défendant, on peut le
dire à la lettre. Le jour n'est pas loin où, d'une façon ou d'une autre, il faudra
arriver à une solution. Les colons ont beau vouloir se le dissimuler, ils marchent
sur un volcan !Croit-on que le voisinage des colonies anglaises, où l'acte d'émancipation
exercera une si grande influence, ne soit pas de nature à faire réfléchir ces
hommes auxquels il ne manque que la volonté pour être libres ? Croit-on que la
résignation de l'esclave, dont le droit est d'être libre, et il le sait ou va le
savoir (que les maîtres y songent), s'accommode bien long-tempslongtemps encore de vos attermoiemens et de vos prétendues lois qui ne portent
aucun des caractères de la loi véritable ? Non, l'abolition de l'esclavage est
aujourd'hui la condition même de l'existence des colonies. En présence de cette
impérieuse nécessité, un seul parti est à prendre, celui de s'occuper sur-le-champ
des moyens par lesquels cette abolition pourra le plus doucement s'accomplir. On
n'y échappera
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pas. Que les intéressés demandent donc eux-mêmes une loi
qui dénoue le noeud gordien, sans attendre comme des insensés que quelque
AlexandreAlexandre, à la face noire et aux cheveux
crépus, le tranche violemment par l'épée. Il en est temps encore :'qu'ils
n'attendent pas que les pavés et les coups de fourche leur fassent sentir que ce
qu'on voulait, qui était de toute équité, on pouvait l’obtenir facilement de vive
force, bien qu'on en eût par bonhommie demandé la concession à l'amiable.Aux colonies comme partout, c'est à la mauvaise volonté des privilégiés à céder
aux exigences du temps et de la raison, qui est la véritable cause de ces crises
sociales appelées révolutions et des emportemensemportements populaires qui les accompagnent.Nous voulons une fois, peut-être ne le voudrons-nous qu'une seule, parler aux
colons de leur intérêt, puisque la voix de l’humanité ne trouve en eux que des
sourds, et de la pire espèce, de celle qui ne veut pas entendre. Qu'ils nous
disent donc s'il n'est pas dans leur intérêt de provoquer des mesures qui les
indemnisent, tout en rendant ceux qu'ils oppriment, et qu'ils ne sauraient
opprimer encore long-tempslongtemps , à leur droit naturel. Pour nous, si nous étions possesseurs
d'esclaves, nous aviserions, sans perdre une heure, aux moyens d'organiser le
travail et de proclamer l'affranchissement dans nos habitations ; ou, si notre
générosité n'allait pas jusque là, nous presserions incessamment la métropole de
nous faire une loi qui nous tirât tous de l'incertitude et de l'appréhension où
nous vivons, esclaves et maîtres. Ce parti n'est-il pas non seulement le plus
juste, mais encore le plus raisonnable, celui qu'indiquent la sagesse et, osons le
dire, la nécessité ? L'esclave, quel que soit l'abrutissement dans lequel il est
tenu, comprend plus ou moins sa situation ; il a ouï dire que les philantropesphilanthropes français s'occupaient de lui et réclamaient son émancipation ; il sait
qu'il n'est plus d'esclaves aux colonies anglaises à l'heure qu'il est ; et l'on
voudrait qu'en cet état de choses, les maîtres ne fussent pas plus inquiets que
par le passé ?Voyez si vous pourrez échapper un de ces jours aux conséquences de ce grand
exemple. Déjà, de la MartiniqueMartinique, placée entre la DominiqueDominique et Sainte-LucieSainte-Lucie, un grand nombre d'esclaves
s'échappent durant la nuit et se rendent dans ces deux colonies anglaises pour y
jouir des bienfaits du nouveau bill.
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Nous ne finirons pas sans faire des voeux pour que le gouvernement français prenne
en sérieuse considération cette situation pénible, et presse les chambres de
chercher une solution à tous les embarras des colonies. Nous voudrions sans doute
que l' intérétintérêt des propriétaires put être convenablement satisfait par cette mesure,
mais nous voulons avant tout qu'on songe qu'il y a aux colonies des hommes qui ne
sont privés de leur liberté que par le plus abominable abus, et que ce n'est pas
là une de ces questions de peu d'importance qu'il est permis de remettre au
lendemain. Il s'agit ici du sang et de la chair d'hommes que la couleur seule de
leur peau fait différensdifférents de ceux qui les oppriment.NÉCESSITÉ DE L'INSTRUCTION AUX COLONIES.L'ignorance a été dans tous les temps et dans tous les pays le plus puissant
auxiliaire de la tyrannie. Tous les gouvernemensgouvernements qui ont admis l'esclavage dans leur droit public ont eu soin de
proscrire l'instruction comme une ennemie dangereuse. Mais dans les colonies,
cette proscription, brutalement exécutée, a eu des suites bien fatales pour les
progrès de la civilisation. L'aristocratie coloniale, dans son astucieuse et
barbare prévoyance, a combattu de toutes ses forces le développement de
l'instruction ; à peine y a-t-elle toléré quelques écoles primaires, dans ces
derniers temps, en faveur des hommes de couleur libres ; mais ces écoles, où les
élèves apprennent seulement les premiers élémenséléments , n'ont pas même obtenu les faveurs, les encouragemensencouragements des autorités locales toutes disposées à complaire aux privilégiés. Les
hommes de couleur ne doivent pas oublier qu'en 1803, un
procureur-général à la MartiniqueMartinique fit fermer
toutes les écoles à leurs enfansenfants ; et plus récemment encore, en 1829, l'administration de la
Guadeloupe déporta sans jugement M.
Eugène PolM.
Eugène Pol, jeune instituteur européen d'un mérite reconnu et qui se
consacrait à l'éducation des jeunes gens de couleur. M.
BallinM.
Ballin, envoyé aux colonies par M. le
ministre d'ArgoutM. le
ministre d'Argout, avec la mission d'inspecteur de
l'instruction, fut en butte à tant de persécutions et assailli de tant de dégoûts
qu'il a été obligé d'abandonner la MartiniqueMartinique et
la GuadeloupeGuadeloupe et de revenir
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en
FranceFrance, où il est mort des chagrins et des
ennuis dont on l'avait abreuvé.Et cependant la charte nouvelle a proclamé et consacré pour les hommes de couleur
des droits nouveaux ! Ne nous décourageons pas toutefois ; et si la charte nouvelle
ne peut rien contre le mauvais vouloir de l'aristocratie blanche, si nous ne
pouvons jouir que difficilement chez nous des bienfaits de l'instruction,
armons-nous de patience et de courage. Cette instruction dont on nous ferme
l'accès dans nos foyers, sachons, s'il le faut, la chercher ailleurs. Que ceux
d'entre nous qui le peuvent fassent donner à leurs enfansenfants une riche éducation, et qu'ils se souviennent que cette éducation, c'est
en FranceFrance, au sein de la capitale qu'il faut venir la
puiser. Là seulement ils trouveront l'immense bienfait des manières d'un monde
élégant et poli, des connaissances spéciales à la vocation qu'ils voudront
embrasser ; là ils pourront se créer des relations utiles pour leur avenir et se
mettre en rapport avec les illustrations de tous les pays. Ainsi élevés, ils
deviendront les colonnes de notre liberté et s'assureront des titres à la
reconnaissance de la race noire et de couleur dont ils sauront conquérir et
défendre les droits.C'est du sein de Paris que les BolivarBolivar, les PétionPétion, les
BoyerBoyer et leurs plus illustres compagnons de
gloire ont pendant plusieurs années puisé de nobles et généreuses idées, pour le
triomphe desquelles ils ont combattu avec tant de bravoure et de succès. C'est à
leurs connaissances, à leur éducation qu'ils durent ce saint enthousiasme qui les
conduisit à la victoire et qui a conquis pour leurs compatriotes la liberté dont
ils jouissent.Nous, enfansenfants de la FranceFrance, nous n'avons pas à désirer qu'un
BolivarBolivar vienne nous délivrer d'un joug étranger. La
FranceFrance nous est trop chère, ses
bienfaits trop précieux et sa protection trop nécessaire pour nous laisser aller à
des idées hostiles envers elle. Nous ne voyons dans la domination de ceux qui nous
gouvernent et qui interprètent faussement le vœu de la
FranceFrance qu'une œuvre isolée, et non pas l'expression
fidèle des intentions de la mère-patrie.Quel homme de couleur pourrait oublier que c'est une chambre française qui la
première proclama les Droits de
l'hommeDroits de
l'homme et les grands principes d'égalité ! Et d'ailleurs,
la Francela France n'est-elle pas
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notre véritable
patrie, celle dont nous sommes si fiers ? Ce qui fait l'objet de nos vœux les plus ardensardents , et certes un noble et légitime orgueil peut seul nous les inspirer,
serait de voir les hommes de couleur, admis dans les fonctions publiques, offrir à
leurs concitoyens l'appui de leurs talenstalents et de leurs connaissances.Pouvons-nous voir sans gémir notre caste tout entière privée de vrais défenseurs
devant les tribunaux, ne pas compter même un seul officier ministériel sorti de
son sein, être toujours à la merci de ses adversaires comme gens taillables et
corvéables au bon plaisir de leurs seigneurs et maîtres ? Quoi ! nous pourrions
rester indifférensindifférents devant un état de choses si monstrueux ! Pas un seul homme de loi pour
nous aider de ses conseils, pas un pharmacien pour nous distribuer des remèdes,
pas un médecin pour nous donner ses soins dans nos maladies, pas un seul officier
de couleur, aux colonies, sorti des rangs de l'armée et capable de former nos
milices ou gardes nationales aux manoeuvres et au service des différentes armes !
Il est vrai que, par un calcul machiavélique, le petit nombre de ceux qui, parmi
nous, ont obtenu des grades dans l'armée ont été constamment écartés on retenus en
FranceFrance ; jamais il n'ont pu
obtenir d'emploi aux colonies, parce que le département de la marine en a décidé
ainsi, tandis que tous les jeunes créoles privilégiés y sont envoyés avec des
avantages, des faveurs et des grades.Frères et amis, que cette pensée est douloureuse ! que ce tableau est déchirant !
Faisons cesser un état de choses si funeste pour nos vrais intérêts et si
favorable aux attaques et aux médisances de nos ennemis.Avec l'instruction arriveront pour nous la puissance, la gloire et les richesses.
Nos commerçanscommerçants , à l'imitation des grandes maisons d'Europe, chercheront hardiment la fortune dans tous les climats.
Nos marins partageront les travaux, les périls et les palmes de leurs frères de
FranceFrance ; nos jeunes guerriers iront
conquérir des grades élevés sur les champs de bataille, et nos avocats feront
entendre au milieu de leurs compatriotes une voix éloquente et énergique en faveur
de l'innocent et de l'opprimé.Nous ne serons plus alors des ilotes et des parias
honteux de se montrer et ne sachant où trouver appui et protection. Investis de la
confiance publique, nous aurons pour nous, libres et instruits,
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la
considération, et des gages de sécurité pour la défense de nos droits, de nos
biens et de nos libertés.Ces pensées ne sont pas les conceptions d'une imagination délirante et malade ;
c'est un plan conçu, médité depuis longues années par un patriotisme élevé, c'est
le résultat de longues et sérieuses réflexions. L'expérience la plus journalière
est là pour justifier nos idées et leur donner la sanction la moins récusable,
celle de la force des choses et de la marche naturelle et logique des événemensévénements .DEVOIR NATIONAL DE FAIRE RESPECTER PAR LES PUISSANCES ÉTRANGÈRES LA QUALITÉ DE
CITOYEN FRANÇAIS DONT JOUISSENT LES HOMMES DE COULEUR LIBRES.La révolution de juillet, qui aurait dû être plus féconde,
qui le sera plus tard, on n'en saurait douter, n'a pourtant pas été si complétementcomplètement stérile pour nos colonies. Parmi les bienfaits dont il faut lui savoir
gré, il convient de compter la loi du 24 avril 1833, qui a reconnu
aux hommes de couleur les droits de citoyens français, et qui les a placés, sans
distinction, au sein de la grande famille. C'est un premier pas qui en appelle
d'autres ; c'est un commencement de réparation qu'il faut compléter franchement et
sans restriction. La disposition législative qui donne aux hommes de couleur la
jouissance des droits politiques ajoute : sous les conditions prescrites par les
lois. Mais pour que les droits aient des effets réels et ne soient pas un leurre,
il faut que les conditions légales réglées pour leur exercice ne soient pas
combinées de manière à les rendre à peu près illusoires ; or, c'est ce qui arrive
par les droits électoraux, auxquels un très petit nombre d'hommes de couleur
peuvent participer, grace à la fixation du cens d'électorat et d'éligibilité. La
loi d'élection pour les colonies est donc à réformer ; mais ce n'est pas de cela
qu'il s'agit ici.Notre but aujourd'hui n'est pas de réclamer l'extension plus ou moins grande d'une
faculté politique pour les hommes de couleur, c'est leur droit même de citoyen
français qu'il s'agit de maintenir et de préserver d'une grave atteinte, atteinte
dont le dommage ne
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porterait pas seulement sur eux, mais sur la nation
tout entière, qui doit prendre pour elle-même l'insulte faite par une nation
étrangère à chacun de ses membres.Le privilégeprivilège de la couleur avait survécu à tous les autres privilégesprivilèges tombés sous la justice de l'assemblée
constituanteassemblée
constituante et de la révolution de
89 ; ce dernier privilégeprivilège est enfin tombé à son tour devant la révolution de
1830. La FranceFrance a
voulu que tout homme libre né dans son sein ou dans ses colonies fût citoyen,
quelle que fût sa couleur. Ce titre, que la nation reconnaît, elle doit le faire
reconnaître par toutes les autres nations ; il n'est loisible à aucune de
distinguer parmi nous quand nous ne distinguons pas nous-mêmes, de faire des
catégories quand nous n'en voulons pas faire, et de dénier le titre de Français à
qui la FranceFrance le donne. Voilà pourtant
ce qui arrive à CubaCuba,
possession espagnole, et dans les provinces méridionales des États-UnisÉtats-Unis. Un Français, s'il est homme de
couleur, est exclus de ces deux pays ; et s'il y pénètre, on le met en prison comme
un malfaiteur.Voici ce que le ministre de la marine écrivait au préfet maritime à CherbourgCherbourg, le 29 avril 1830 : « Suivant
une communication parvenue au gouvernement du roi, l'assemblée législative de
l'état de Géorgieétat de Géorgie a rendu dernièrement une
loi qui interdit à toute personne de couleur (mulâtres ou nègres, libres ou
esclaves) l'entrée de cet état, et qui défend en conséquence aux capitaines des
navires, tant nationaux qu'étrangers, de se présenter dans les ports de
SavannahSavannah, DarienDarien et Sainte-MarieSainte-Marie, s'ils
ont à leur bord des gens de couleur, sous peine d'être soumis à une quarantaine
rigoureuse de quarante jours et d'acquitter les frais de détention qu'auront à
subir les gens de couleur pendant la durée du séjour du bâtiment dans le port ;
le capitaine devra en outre s'engager sous caution solvable à reprendre lesdits
hommes de couleur et à les faire sortir du pays ; et, en cas de refus de les
reprendre, ainsi que de payer les frais de leur détention, il sera passible
d'une amende de 500 dollars d'être soumis à une quarantaine rigoureuse de
quarante jours et d'acquitter les frais de la détention qu'auront à subir les
gens de (2,666 francs) et d'un emprisonnement qui ne pourra excéder trois
mois. » Le ministre chargeait le préfet de donner aux commissaires des classes l'ordre de
transmettre copie de sa circulaire aux chambres de commerce, et d'en rappeler le
contenu aux capitaines des na-
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vires destinés pour les ports de
l'état de la Géorgie afin qu'ils eussent à se conformer
à cette loi.Plus tard, le 11 décembre 1832, notre ministre des affaires
étrangères écrivait au ministre de la marine : « Le consul du roi à San-Yago de CubaSan-Yago de Cuba m'annonce
qu'au mois d'août dernier, le capitaine
Consteaucapitaine
Consteau, commandant le brick la
Cora-et-Julie, de BordeauxBordeaux, a amené
à San-Yago trois hommes de couleur, qui, d'après les réglemensrèglements en vigueur dans l'île de CubaCuba, n'ont pu y être
débarqués. Le consul est parvenu toutefois à obtenir que le capitaine ne fût
point inquiété pour cette contravention et que les trois hommes de couleur
pussent trouver les moyens de se rendre à la JamaïqueJamaïque. » Sur cet avertissement, le ministre de la marine s'empressa de donner toute la
publicité possible à ce fait, et les capitaines de navires français en destination
pour CubaCuba furent prévenus qu'ils ne
pouvaient, dans aucun cas, y introduire des hommes de couleur.Ce langage de nos ministres, cette conduite du gouvernement français pouvaient se
concevoir sous la restauration, et même depuis la révolution, avant la loi du 24 avril 1833 ; on ne les concevrait
plus aujourd'hui. Il n'y a plus d'hommes de couleur, pour nous, parmi les hommes
libres, il n'y a plus que des Français ; et pourtant les hommes de couleur libres
sont encore frappés d'exclusion. Le capitaine
ChrétinChrétin, commandant le navire le
Jeune-Ernest, de retour au HavreHavre, d'un
voyage d'Amérique, dans le mois de décembre
dernier, a déclaré qu'à son arrivée à CharlestonCharleston, la police s'empara d'un homme de couleur libre qu'il
avait embarqué à BordeauxBordeaux comme matelot. Malgré les
réclamations que le capitaine ChrétinChrétin adressa aux autorités,
le matelot fut retenu en prison, aux frais du capitaine, jusqu'au départ du
bâtiment.On comprend le motif de cette proscription des hommes de couleur dans les états du
sud de l'Unionl'Union : ces états, qui conservent
l'esclavage, craignent pour ces populations, qu'ils tiennent enchaînées, le
contact et jusqu'à la présence des hommes libres de couleur ; mais ces précautions
d'une politique ombrageuse peuvent elles aller jusqu'à dépouiller momentanément un
citoyen français de son titre de citoyen, de son droit de locomotion, jusqu'à le
traiter en proscrit et à le priver de sa liberté, sans autre cause que le caprice
d'une législation inhospitalière ?
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La loi de 1833 a formellement déclaré aborgéesabroger
« toutes restrictions ou exclusions qui avaient été prononcées, quant à
l'exercice des droits civils et des droits politiques, à l'égard des hommes de
couleur libres et des affranchis. » En présence d'une telle loi, ces autres
restrictions, bien plus oppressives encore, qui vont jusqu'à dénationaliser un
homme, jusqu'à le traiter en esclave, peuvent-elles se supporter ? Le gouvernement
français peut-il, sans abdiquer sa propre dignité, laisser subsister un tel état
de choses ? Son propre honneur, aussi bien que l'intérêt des hommes de couleur,
lui fait un devoir impérieux de réclamer contre une interdiction qui ne saurait
frapper des citoyens français et qui les atteindrait plus loin qu'on ne pense. Se
figure-t-on qu'un membre de l'Institut de France, un général de
notre armée, par exemple, ne pussent mettre le pied sur le territoire méridional
de l'Unionl'Union sans être jetés dans un cachot ? C'est cependant ce
qui aurait pu arriver au célèbre peintreLethiersLethiers ; c'est ce qui pouvait arriver encore à un
maréchal-de-camp, le général Rochegénéral Roche, qui a commandé naguère un de nos départemensdépartements .Nous ne partageons point la population des États-UnisÉtats-Unis en
catégories ; tous les habitanshabitants de l'Unionl'Union peuvent librement venir en
FranceFrance, y circuler, y faire leurs
affaires ; tous y jouissent de cette hospitalité que se doivent les unes aux autres
toutes les nations civilisées. Il n'y a pas de réciprocité plus juste et moins
contestée. Nous ne demandons point pour les hommes de couleur le droit d'aller
porter des semences de trouble et de rébellion parmi les hommes de couleur des
états méridionaux de la république : on peut surveiller leur conduite et la faire
punir si elle était trouvée coupable ; la France
France
ne réclamerait pas contre un châtiment légalement
infligé. Mais elle doit réclamer, et avec toute l'énergie d'un droit manifeste et
d'une injure reçue, contre toute interdition préventive, tout emprisonnement
arbitraire, tout acte enfin qui peut porter atteinte au caractère de citoyens
français dont jouissent les hommes de couleur libres, nés dans toute l'étendue de
notre territoire.
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DES DÉLÉGUÉS DE L'ARISTOCRATIE COLONIALE ET DES MANDATAIRES DES HOMMES DE
COULEUR.La loi d'avril 1833, qui institue aux colonies une assemblée sous la
dénomination de conseil colonial, laquelle est formée des colons qui
paient un cens de 600 francs et nomme des délégués pour représenter soi-disant les
intérêts généraux auprès de la métropole, ne peut avoir et n'aura jamais, dans les
termes où elle est conçue, aucun résultat de nature à satisfaire la majorité de la
population des colonies. En effet, l'obligation de payer un cens aussi élevé que
celui de 600 francs ne permet l'accès du conseil colonial qu'aux grands
propriétaires d'habitations et d'esclaves, qu'à ce que nous appelons
l'aristocratie coloniale, et nullement à la masse des travailleurs, noirs,
mulâtres ou même blancs, qui forment la majorité de la population. Les délégués
nommés par ce conseil ne représentent donc que les intérêts des grands
propriétaires ; leurs vues doivent être exclusives, aristocratiques, entièrement
opposées à l'amélioration du sort des classes qu'ils craignent ou haïssent. Nommés
ainsi, choisis par des commettanscommettants vraiment intéressés à ce qu'il ne soit rien fait en faveur des classes
de couleur, ils ne sont en FranceFrance que pour y
soutenir et y défendre les privilégesprivilèges des blancs.Cette loi n'a donc apporté dans les colonies que l'organisation d'un nouveau
monopole. Comment des hommes nommés par une majorité où l'élément de couleur ne
saurait entrer que dans une minime proportion prétendraient-ils représenter les
hommes de couleur ? C'est une dérision. Cette loi n'a donc remédié à rien : elle
est impuissante, comme loi de privilégeprivilège et de monopole, à produire des résultats favorables à l'émancipation
générale. On peut en conséquence conclure que ceux qui se qualifient de délégués
des colonies ne sont en réalité que les mandataires des privilégiés, les avocats
des propriétaires de terres et d'esclaves ; jamais, en quoi que ce soit, les représentansreprésentants de nos intérêts, à nous, hommes de la petite propriété, et, si l'on peut
ainsi dire, de la petite liberté, qui demandons pour nous et pour autrui à n'être
pas exclus du droit commun, qui faisons plus, qui voulons l'abolition non
seule'ment de l'esclavage parmi tous les hommes quelle que soit leur
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couleur, mais encore, nous en référant à notre déclaration de principes, leur
participation directe à l'élection des représentansreprésentants de la société. La liberté et l'égalité, ces deux dogmes mal compris en
haut et en bas de l'échelle sociale et contre lesquels on a laissé s'établir des
préjugés grossiers, sont notre devise aussi. Nous ne reconnaitrons par conséquent
jamais le caractère de délégués des colonies qu'aux hommes, blancs ou noirs, qui
auront été élus et par les hommes libres de toutes couleurs et par les noirs
affranchis et civilisés. Jusque-là la question sera pour nous de fait, et non de
droit. Il n'importe qu'on nous dise que ce droit, nous ne saurions l'exercer ; non,
parce que nous sommes opprimés et que nous nous laissons faire ; mais si nous ne
sommes pas appelés encore à le mettre en pratique, ce droit ne nous parait pas
moins im prescriptible et sacré. Voilà pourquoi nous qualifions ces prétendus représentansreprésentants des colonies de délégués de l' aristocrotiearistocratie coloniale ; voilà pourquoi nous refusons de voir en eux ce
caractère de représentansreprésentants qu'ils revendiquent.Mais, dira-t-on, ceux qui se qualifient de mandataires des hommes de couleur
sont-ils plus que les autres les représentansreprésentants des colonies ? Légalement, non, nous ne balançons point à le dire ;
moralement, oui, quelles que puissent être les dénégations des intéressés, nous le
croyons. Ils ont reçu mandat de tous ceux qui ont même intérêt, même besoin de
liberté, de tous ceux dont ils sentent et comprennent la situation ; ils ont reçu
mandat de leur conscience et de leur volonté, comme tous les hommes qui ont
travaillé pour l'humanité. Dans l'origine, ils l'avaient reçu, ce mandat, par
lettres de leurs nombreux amis ; depuis il a été confirmé par procuration de
l'immense majorité des hommes de couleur, c'est-à-dire d'hommes ayant un intérêt
commun. Ce titre de mandataires leur avait été reconnu par les divers ministres
qui se sont succédés au département de la marine et des colonies depuis
juillet.Et maintenant, de la sorte expliqué, qui pourrait contester ce titre à tout homme
de couleur qui voudra prendre la parole pour ses frères ? Que nous importe
aujourd'hui que le ministre de la marine ait en quelque sorte dénoncé au
garde-des-sceaux celui des anciens déportés de la MartiniqueMartinique, qui a cru devoir l'ajouter encore à son nom ! Nous qui
avons renoncé volontairement à cette
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qualification comme inutile et
comme pouvant nous gêner dans le libre développement de nos doctrines, qui l'avons
rejetée comme inutile, non comme illicite, nous la reprendrions avec empressement
si nous pensions qu'elle fût de nature à déterminer des pour suites pardevantpar-devant les tribunaux. Ce nous serait une belle occasion de dire tout haut des
paroles qui ne pourraient tourner qu'à la confusion des privilégiés.Il est donc bien entendu que les délégués nommés en vertu de la loi d'avril
1833 ne sont à nos yeux que les procureurs fondés de l'aristocratie
coloniale près le ministre de la marine et des colonies. Quant au titre de
mandataire des hommes de couleur, quiconque plaidera éloquemment pour leurs
droits, quiconque saura formuler avec force et vérité leur besoins moraux,
intellectuels et physiques, et poursuivre le redressement de leurs griefs contre
leurs dominateurs aura droit à cet honorable titre.AFFAIRE DE LA GRAND'ANSE.Le TempsLe Temps ayant publié une
lettre où lesévénemensévénements de la Grand'Anse étaient étrangement dénaturés. M. GatineM. Gatine, avocat à la cour de cassation, a relevé les
assertions erronées du regespondant de ce journal. Nous ne pouvons nous expliquer
le refus d'insertion dans cette feuille de la lettre de M.
GatineM.
Gatine qu'en acceptant pour vrai ce qui nous a été affirmé par des
personnes que nous avons tout lieu de croire bien informées, à savoir, que
le Tempsle Temps, par des raisons de diverses natures, est plutôt dévouéauxdévoué aux intérêts de l'aristocratie coloniale qu'aux droits de l'humanité,
indignement outragés dans la personne des hommes de couleur. Nous publions avec
plaisir et empressement la remarquable réfutation de M.
GatineM.
Gatine.20 juillet 1834.A M. le rédacteur du journal le Tempsle Temps.Monsieur,Vous avez inséré dans votre numéro du 19 une lettre d'un colon de la MartiniqueMartinique relative au grand procès qui se juge dans
cette
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colonie ; cette lettre est de nature à provoquer des
réflexions que votre impartialité vous engagera peut-être à publier aussi.Comme son auteur, je suis de ceux qui pensent qu'on aurait dû faire trève à la
polémique sur les déplorables événemensévénements de la Grand'Anse jusqu'à ce qu'ils soient entièrement connus
en FranceFrance et jusqu'à ce que
la justice ait prononcé sur le sort de tant d'accusés prévenus de crime
capital ; mais je suis loin de croire que, par les publications déjà faites, on
ait voulu donner le change à l'opinion en renvoyant au parti
accusateur son accusation de complot, en déclarant hautement que la conjuration
supposée des hommes de couleur, au mois de décembre dernier, pour
massacrer tous les blancs et s'emparer de leurs biens, n'est qu'une
invention machiavélique de quelques inregigibles de l'autre hémisphère, car il
a aussi les siens.Permis à eux de suspendre leurs ex voto aux voûtes du temple et
d'annoncer que c'est par un bonheur inespéré que la
Martiniquela
Martinique a échappé aux projets les plus subversifs, et
qu'eux, oppresseurs prétendus, s'ils n'ont pas subi le triste rôle de
victimes, ils ne le doivent qu'à la lâcheté de leurs ennemis. Mais
qui pourra croire à ce complot de sang et de massacres, quand on saura que ces
bandes armées, qui auraient parcouru pendant trois jours et le poignard à la
main plusieurs quartiers de la colonie, n'ont pas commis un seul meurtre dont
on puisse seulement les accuser ! Ne verra-t-on pas plutôt malgré soi une œuvre
de parti dans une accusation vide de preuves, et qui comprend pêle-mêle dans
ses larges préventions des hommes restés entièrement étrangers aux événemensévénements, comme LéonceLéonce, de
Saint-Pierre, qu'on n'a pu inculper qu'avec sa
regespondance de 1824 ! Qui pourra croire à ce complot,
dont on est déjà si fort embarrassé, et pour lequel votre regespondant,
monsieur le rédacteur, sollicite lui-même à l'avance une large
clémence !..... Enfin qui pourra voir sans une profonde douleur ces
inconcevables chants de victoire, ce reproche de lâcheté emprunté à l'acte
d'accusation qui le répète jusqu'à trois fois avec tant de complaisance ? Il
semblerait, à lire toutes ces bravades, toutes ces objurgations si étrangement
jetées aux hommes de couleur, qu'il s'agit d'un événement militaire où il y eût
de la gloire à gagner pour l'un ou l'autre parti. Et l'accusation est d'avoir
excité la guerre civile ! Reproche bien placé que celui d'a
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voir manqué de courage à déchirer le sein de la patrie ! J'avais
toujours pensé que les bons citoyens doivent, après ces déplorables conflits,
pleurer en silence sur la victoire des uns aussi bien que sur la défaite des
autres. Noble reproche aussi que celui que l'on crie bien haut à des captifs, à
des hommes qui ont volontairement déposé les armes sur une promesse d'amnistie,
à des prisonniers qu'on a garottésgarrottés , à des accusés enfin dont on demande la tête devant les assises ! ImprudensImprudents , n'avez-vous pas réfléchi avec quelle amertume vos reproches de
lâcheté pourraient ici se rétorquer contre vous ! Le courage fut-il à ordonner
des feux de peloton sur trois de vos prisonniers cherchant à fuir et dont l'un
est tombé percé de balles (fait reconnu par l'acte d'accusation lui-même, page
108) ? Le courage fut-il à fusiller tout une famille à travers les planches de
sa case (fait avoué par le
Moniteur le
Moniteur du 17 mars dernier) ?Laissons ces tristes récriminations. Que valent-elles en présence des grands
intérêts d'humanité et de civilisation émus par l'affaire de
la Grand'Anse ? L'événement est passé ; le sang des hommes de couleur,
d'eux seuls, a coulé dans un conflit que l'histoire mettra peut-être à côté des
conjurations où périrent, en FranceFrance, CaronCaron, BoriesBories et d'autres
victimes trop nombreuses. Mais un procès de complot et d'excitation à la guerre
civile nous reste, un procès monstre, c'est ainsi qu'il faudrait
l'appeler, comprenant vingt-cinq chefs d'accusation et cent dix-sept accusés sous prévention de crime capital, tous privés de
leur liberté depuis six mois et ruinés, quel que soit le résultat de
l'accusation. Tout semblable procès est une calamité sociale, un grand malheur
public devant lequel, nous le répétons, doivent se taire les récriminations de
partis ou de castes. Nous exprimons seulement un voeu, c'est que l'accusation
n'obtienne pas les cent dix-sept têtes qu'elle demande. Elle même sans doute ne
désire pas les avoir ; qu'en ferait-elle ? En février 1831, on
pendit à la MartiniqueMartinique, en un seul jour,
vingt-six esclaves, prévenus aussi de complot. Mais cent
dix-sept têtes !..... le courage et la force manqueraient aux
bourreaux.J'ai l'honneur d'être, etc.AD. GATINE, votre abonné,avocat à la Cour de Cassation.
17
SOCIÉTÉ POUR L'ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.En 1789, au moment de la convocation des états-généraux, il se forma dans Paris une société qui depuis a servi de modèle aux Anglais ; elle avait pour but de convaincre les esprits non seulement de l'inhumanité de l'esclavage, par les privations de toute nature imposées aux malheureux qui y sont soumis et par les peines atroces auxquelles ils sont exposés de la part d'une justice toute prévotale, mais encore de démontrer la reguption des
sentimenssentiments
moraux qu'il produit chez les maîtres ; elle devait s'occuper surtout de la possibilité de remplacer l'esclavage, dans nos colonies, par la domesticité, en modifiant le système des cultures.L'illustre LafayetteLafayette, et l'abbé Grégoirel'abbé Grégoire, député aux états-généraux par le bailliage de NancyNancy, étaient à la tête de cette association philantropique, qui trouva beaucoup de partisans dans cette assemblée.AÀ
l'ouverture des états-généraux, l'opinion avait déjà fait tant de progrès que le ministreNeckerNecker, dans son discours du 5 mai 1789, disait aux députés de la nation, après avoir parlé de l'abolition de la corvée de la taille :
Un jour viendra peut-être où vous étendrez plus loin votre intérêt ; un jour viendra peut-être où, associant à vos délibérations les députés des colonies, vous jetterez un regard de compassion sur ce malheureux peuple, dont on a fait tranquillement un objet de trafic ; sur ces hommes semblables à nous par la pensée et surtout par la triste faculté de souffrir ; sur ces hommes cependant que, sans pitié pour leurs douloureuses plaintes, nous accumulons, nous entassons au fond d'un vaisseau pour aller ensuite à pleine voiles les présenter aux chaînes qui les attendent..... Déjà l'humanité est défendue au nom même de l'intérêt personnel et des calculs politiques, et cette superbe cause ne tardera pas à paraître devant le tribunal de toutes les nations. Ah ! combien de sortes de satisfactions, combien d'espèces de gloire sont réservées à cette suite d'états-généraux qui vont prendre naissance au milieu d'un siècle éclairé ! Malheur, malheur et honte à la nation française si elle méconnaissait le
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prix d'une telle position, si elle ne cherchait pas à s'en montrer digne et si une telle ambition était trop forte pour elle.Lorsque les députés de Saint-DomingueSaint-Dominguese présentèrent au sein de l'assemblée, on leur contesta la légitimité de leur titre, par le motif qu'ils étaient les
représentansreprésentants
d'une terre esclave, et parce que même les hommes libres (les gens de couleur) avaient été exclus des assemblées électives.L'assemblée nationale ne tarda pas à décréter que tous les hommes libres propriétaires seraient électeurs, malgré la différence de couleur. Elle annonça l'intention de s'occuper de l'émancipation des esclaves. La rapidité des
événemensévénements
et les catastrophes qui furent la suite de la division entre les hommes libres des diverses classes à Saint-DomingueSaint-Domingue et dans les autres colonies précipitèrent cette émancipation et l'empêchèrent d'arriver à maturité.NapoléonNapoléon, après avoir trompé Toussaint-l'OuvertureToussaint-l'Ouverture et les autres chefs des noirs par les promesses de la politique la plus fallacieuse, rétablit l'esclavage dans les colonies, ainsi que la traite des noirs.En AngleterreAngleterre, le célèbre WilberforceWilberforce, par ses motions au parlement et ses écrits
éloquenséloquents
, le missionnaire ClarksonClarkson, par ses savantes et courageuses explorations, reprirent l'oeuvre des
philantropesphilanthropes
français, et, tandis que le despotisme, par ses progrès rapides en FranceFrance, ajournait toute question de liberté, ils obtinrent du parlement britannique l'abolition de la traite, depuis sanctionnée au congrès de VienneVienne.NapoléonNapoléon, dans les cent jours, décréta lui-même cette abolition pour la FranceFrance ; la restauration ajourna cette mesure de quelques années ; aujourd'hui elle est législation consommée. Mais qu'est-ce que l'abolition de la traite en comparaison de l'abolition de l'esclavage ? WilberforceWilberforce, avant de fermer les yeux, a eu le bonheur de voir achever son ouvrage. Malgré l'élévation de la dette anglaise, cette nation n'a pas reculé devant un sacrifice de près de 500 millions pour donner cette satisfaction à l'humanité.Comment la FranceFrance, qui toujours a en l'initiative des mesures de ce genre, pourrait-elle rester en arrière ? et quel est le contribuable qui regarderait à quelque sacrifice pour abolir cette œuvre de barbarie ?
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L'esclavage a été introduit furtivement dans nos colonies par la cupidité d'une compagnie de marchands concessionnaires des îles. Cette innovation était contraire à un célèbre monument national du quatorzième siècle relatif à l'abolition du servage en France : « Chacun doit naître franc, et notre royaume est appelé le royaume des Francs
"
, a dit un roi de France, Louis-le-HutinLouis-le-Hutin. » Les préjugés coloniaux ont encore dans la métropole tant de défenseurs, qu'il a paru nécessaire aux amis de l'humanité et de la cause de la civilisation de se réunir pour aviser aux moyens les plus prompts et les plus pacifiques, à l'effet d'obtenir cette abolition.Nous avons la certitude qu'ils seront secondés par les hommes de couleur libres. Ceux qui savent par expérience que tant qu'il existera des esclaves, c'est en vain qu'ils revendiqueront pour eux-mêmes la plénitude des droits politiques. On les retiendra dans un état d'ilotisme, ou d'incapacité civique, précisément par la puissance des
argumensarguments
qui sont employés pour le maintien de l'esclavage.Nous apprenons qu'une Société pour l'abolition de l'esclavageSociété pour l'abolition de l'esclavage se forme en ce moment à Paris, sous la direction de MM. Victor de TracyMM. Victor de Tracy, Lainé de VillevêqueLainé de Villevêque, Eusèbe SalverteEusèbe Salverte, Alexandre DelabordeAlexandre Delaborde, IsambertIsambert, Gaëtan de LarochefoucauldGaëtan de Larochefoucauld et d'autres membres de la chambre des députés.Nous espérons que le petit-gendre de M. Necker, quoiqu'il n'ait rien fait pour cette cause pendant la durée de son ministère, s'empressera de s'adjoindre à ces honorables députés, et que l'adversaire éloquent de la traite, dans la chambre des pairs, ne reculera pas devant l'abolition de l'esclavage. Nous ferons connaître, dans notre prochain numéro, l'organisation de la Société et les noms de ses membres.DU CONSEIL COLONIAL DE LA GUADELOUPE.La loi du 24 avril 1833 commence à recevoir son exécution dans nos
colonies, et déjà nous avons sous les yeux les procès-verbaux des séances du
conseil colonial de la Guadeloupela Guadeloupe. En les
lisant
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attentivement, nous avons une preuve certaine de
l'accomplissement de nos prévisions sur les résultats de la nouvelle loi. En
effet, après l'avoir étudiée, il ne pouvait plus rester de doute dans notre esprit
sur ses perfides combinaisons : nous les signalâmes, nous n'hésitâmes pas un
instant à en faire bonne justice.Une assemblée délibérante composée d' élémenséléments aristocratiques n'était à nos yeux que la consécration du privilégeprivilège fondé sur une loi et revêtu d'un vernis de légalité ; c'était enfin
établir l'hypocrisie législative en droit. Et en effet, que l'on jette les yeux
sur les procès-verbaux du conseil de la
Guadeloupela
Guadeloupe, et on verra la nullité de ses travaux indiquant assez
qu'ils ne sont qu'une misérable comédie jouée dans un intérêt de circonstance.D'abord les premières séances se passent en discours d'apparat, longues et
fastidieuses harangues où l'encens se distribue largement. Le gouverneur installe
le conseil, auquel il débite des lieux communs de phraséologie parlementaire, puis
les conseillers se battent les flancs et rendent au gouverneur la monnaie de sa
pièce. Jusque là rien que de très édifiant, de très utile surtout ; mais arrivent
ensuite les vérifications de pouvoir des Lycurgues
à 600 francs, puis la nomination des hauts
fonctionnaires, tels que le président, les secrétaires, l'huissier et le
concierge.Après cette installation de la machine législative, il ne restait plus qu'à la
faire fonctionner. Elle avait tant de choses utiles à demander, tant d'abus à
signaler ! Le pays ne réclame-t-il pas en effet des lois organiques fondées sur les
principes de liberté ? ne veut-il pas que l'on répande dans toutes les classes
l'instruction, cette nouvelle vie qui seule apprend à l'homme à comprendre et ses
droits et ses devoirs ? ne veut-il pas que l'émancipation des malheureux esclaves
soit facilitée et que les maîtres soient contraints de les traiter avec humanité ?
Tels sont en partie les voeux de la masse, qui, dans les colonies comme en
Europe, ne se renferme pas dans un honteux
égoïsme.Mais des considérations d'un ordre bien plus élevé ont occupé ce noble conseil.
Dans la séance du 8 janvier, il a prêté une oreille attentive au
général AmbertAmbert, son président,
lorsqu'il dit que « le conseil entrera dans un système d'améliorations
compatibles avec les droits acquis. » Or on sait que, dans le
langage colonial, les droits acquis ne sont autre chose que la
possession des esclaves :
21
un descendant de
Cartouche, riche des vols de son aïeul, aurait ainsi
des droits acquis. Ce discours promettait.Des séances plus insignifiantes les unes que les autres se succédèrent, presque
toutes relatives au réglementrèglement ; d'autres aussitôt levées qu'ouvertes, faute de sujet à l'ordre du
jour. Enfin, dans la séance du 14 janvier, le procureur-général ayant
déposé sur le bureau divers projets législatifs concernant des matières civiles et
criminelles, acte lui est donné de la communication des pièces, dont le renvoi
dans les bureaux est ordonné.Dans la séance du 23 janvier, M. MauguinM. Mauguin, membre de la chambre des députés de FranceFrance, et
M. de JabrunM. de Jabrun, conseiller colonial, sont nommés délégués de
la Guadeloupela Guadeloupe. Dans celle du 25, l'assemblée
adopte un décret pour substituer des commissaires-priseurs aux
encanteurs.Tels sont en résumé les grands travaux qui ont occupé la première session du
conseil généralegénéral de la Guadeloupela Guadeloupe. Ne sont-ils pas de nature à
prouver la forte dose de talenstalents , d'activité et de patriotisme dont sont doués ces législateurs
privilégiés ! Mais de la garde nationale ou milice, qui devrait être la force du
pays ; mais de l'instruction publique, qui élève les amesâmes et développe les idées, questions sur lesquelles, par une sorte de
condescendance, le ministre les avait consultés, ilils n'ont eu garde de s'en occuper, craignant avant tout ce qui peut opérer
une fusion. Il en est de certaines assemblées comme de certains hommes dégradés
qui sont privés de sympathie pour tout ce qui est grand et généreux.DES DISCOURS D'INSTALLATION DU CONSEIL COLONIAL DE LA MARTINIQUE.Les discours d'ouverture des assemblées délibérantes sont assez généralement
l'expression de l'esprit dont elles sont animées ; c'est en ce sens seulement
qu'ils méritent de fixer l'attention publique, lorsqu'ils ne se bornent pas à
paraphraser platement les paroles du pouvoir. Il est même fort difficile que, dans
cette dernière circonstance, quelque phrase échappée à l'irréflexion ne vienne
trahir les véritables sympathies de la majorité des assemblées.
22
Mais ce qui est plus rare, ce dont il existe même peu d'exemples, c'est de voir
une assemblée délibérante donner un démenti formel aux assertions de l'organe du
gouvernement lorsqu'il s'agit de faits patenspatents qui se passent sous les yeux de tous. Cet exemple cependant nous est
offert à la Martinique, où les membres du conseil colonial, répondant au
gouverneur, ont témoigné d'une manière non équivoque que l'irritation la plus vive
les anime toutes les fois qu'une pensée de progrès se fait jour.Dans un des premiers paragraphes du discours de M. DupotetM. Dupotet,
ce gouverneur dit que : « la plus grande tranquillité règne dans les divers
quartiers de la colonie. Cet heureux état de choses est dû à la sagesse des
colons et au régime actuel des habitations. » Certes il était
impossible d'exprimer un fait avec des manières plus polies envers les colons ;
cependant ce conseil, sans en tenir compte, ne lui répondit pas précisément que
c'était faux, l'expression n'eût pas été parlementaire ; mais la réponse en est
bien l'équivalent, la voici : « Des symptômes de fermentation se
manifestent encore dans la colonie ; mais un système basé sur la franchise,
une surveillance active et sévère seront des garanties pour notre
avenir. » Pourtant le gouverneur avait pris soin de préparer les
esprits en flattant avec habileté la passion des privilégiés ; les événemensévénements de la Grand’Anse lui avaient fourni un texte à déclamations qui
devaient faire effet : « Si quelques
misérables,s'écriait-il,ont osé mettre à exécution les projets
infâmes des ennemis de la colonie en portant le feu et le pillage dans la
commune de la Grand' Anse, vous avez vu, messieurs, avec quelle ardeur les
troupes de la garnison ont accouru au foyer de l'insurrection et la prompte
répression qui a été le résultat de leurs efforts. » Ce jugement
ne devait-il pas disposer à l'indulgence ?Mais voici bien autre chose. M. DupotetM. Dupotet avoue que « la
pensée du gouvernement est de conserver en améliorant. » Une pareille
hérésie coloniale ne pouvait passer sans être censurée ; aussi lisons nous ces
paroles dans la réponse du conseil colonial : « Sans doute on peut conserver en
améliorant ; mais souvent les mesures prises pour arriver à ce but, loin de
l'atteindre, entraînent des résultats désastreux. » Le compliment n'était pas flatteur pour le pouvoir dont le gou verneur est
l'organe ; il était même impossible de lui donner plus
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complétementcomplètement un certificat d'incapacité. Ce n'est pas nous cependant qui blâmerons
l'indépendance de langage des colons : ils se trompent sans doute, ils sont
aveuglés par l'esprit de parti, mais du moins ils ont assez de franchise pour
formuler nettement ce qu'ils veulent. Cela nous met à l'aise en leur présence, car
nous aussi, nons marchons le visage découvert.Tels sont les principaux passages de ces deux discours qui renferment une grande
quantité de phrases oiseuses et bannales qui ne produisent plus la moindre
impression à une époque où la déclamation tombe devant la vérité.SUR L'ADRESSE DES HOMMES DE COULEUR AU GOUVERNEUR DE LA MARTINIQUE.Les hommes de couleur de la Martiniquela Martinique, à
l'occasion des événemensévénements de la Grand'Anse et de la réponse du conseil colonial au
discours d'ouverture de M. le gouverneur DupotetM. le gouverneur Dupotet, ont cru devoir protester, dans une adresse à M. HalganM. Halgan, contre les accusations dont ils ont été l'objet
relativement à ces événemensévénements . Nous devons le dire avec franchise à nos frères, ils ont fait là une
fausse démarche ; et le contre-amiral Halgan, qui a refusé de recevoir leur adresse, ne pouvait
guère en effet en agir autrement. Sans désapprouver la pensée ni le fond de cette
adresse, nous dirons du reste que le ton général nous en a semblé trop servile.
M. le contre-amiral Halgan était
fort loin d'être une des lumières du conseil d'état, dans lequel il
n'a jamais sérieusement siégé. Tout le monde sait en FranceFrance que ce titre de conseiller d'état
n'oblige la plupart du temps à aucun travail réel, et qu'il n'est que la
récompense du dévouement d'un fonctionnaire au système ministériel.Quoi qu'il en soit, d'ailleurs, nous ne pouvons voir qu'avec peine nos frères de
la Martinique prendre ce ton humble outre-mesure, qui sied si mal, selon nous, aux
hommes libres. Que vouliez-vous ? qu'on vous rendit justice ? Eh bien ! il fallait la
réclamer haut et ferme de l'opinion publique, comme on l'a fait pour vous dans les
journaux de Paris, et non en style courtisanesque comme vous l'avez fait dans
votre adresse. Que n'attendiez-
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vous, avant de jeter à la tête de votre
gouverneur tous ces complimenscompliments outrés sur la droiture et la justice de son caractère, qu'il se fit
connaître par ses actes ? Comment avez-vous pu le juger avant qu'il eût fonctionne
?Les hommes de couleur n'ont que faire des formes et des protocoles du vieux
régime ; et il faut qu'ils sortent de cette ornière de flatteries hypocrites où ils
se sont enrayés ; qu'ils s'accoutument à parler, devant ceux qu'ils appellent les
grands et les puissanspuissants du pays, un langage décent, respectueux,mais sans s'humilier et sans
fléchir, surtout lorsqu'on est fort de sa raison et de son bon droit ; qu'ils se
persuadent enfin que les gouverneurs savent bien à quoi s'en tenir sur ces
adresses de congratulation, et que pas un d'eux, sans excepter
l'ancien gouverneur M. Dupotet
lui-même, ne peut s'y méprendre aujourd'hui.LE 1er AOUT 1834.Saluons d'avance ce grand jour, de peur que pour plusieurs il ne passe inaperçu,
tandis qu'il doit remplir les coeurs d'allégresse et de reconnaissance.Qu'est-ce donc que le 1er août 1834, pour qu'il nous faille y prendre
garde et pour que nous devions nous y livrer à la joie et aux actions de gracesgrâcesFaut-il se réjouir de la richesse des moissons ou de la beauté des troupeaux ?
Est-ce une fête patriotique ? Est-ce une fête religieuse ?Le 1er août 1834 est le jour qui commence une ère nouvelle pour touttoute une race d'hommes.Ce jour-là ceux qui, la veille, s'étaient endormis esclaves se réveilleront hommes
libres. Il y aura, à dater de ce jour, des liens de famille pour ceux qui étaient
sans famille, du repos pour ceux qui semblaient n'être nés que pour le travail, un
avenir pour ceux qui étaient sans avenir, un Dieu pour ceux qui étaient sans Dieu.
La mère qui allaitera son fils ne pleurera plus en songeant au fouet du colon,
parce qu'elle saura que le fouet du colon ne déchirera pas le corps de son fils.
En donnant le sein à sa fille,
25
elle ne pleurera pas non plus, parce
qu'elle saura que les lois protégent l'honneur de sa fille.Le 1er août 1834 est le jour qui consacre le plus beau triomphe qu'un
peuple ait jamais remporté sur lui-même, le plus noble sacrifice que l'égoïsme ait
jamais fait à la justice et à l'humanité.Ce n'est pas seulement parce que l'Angleterre a horreur de
l'esclavage, mais c'est parce qu'elle a puisé dans ses trésors, pour indemniser
les maîtres des esclaves, que les esclaves de ses colonies seront libres dans
quelques jours.Réjouissons-nous de la liberté des esclaves et de la générosité du peuple qui les
rachète pour les rendre libres.La Société anglaise pour l'abolition de l'esclavage a compris quel est le genre de
joie qui convient en un pareil jour ; elle vient de publier un appel dont le but
est d'exciter ses compatriotes à une sainte joie :« La vraie manière de célébrer le jour où les fers des esclaves tomberont est,
dit-elle, d'offrir à Dieu en commun de sincères actions de gracesgrâces pour la protection signalée qu'il a accordée, et de lui demander par
la prière de bénir cette œuvre, de bénir ceux qui donnent et ceux qui
reçoivent, et de rendre cet événement une source de bénédiction pour tous ceux
qui sont encore opprimés et affligés dans le monde. Que le 1er août
1834 soit donc consacré au service et à la louange de Dieu par ceux
qui ont eu quelque part au succès de cette cause ; que ce soit un jour où ils
élèvent leurs cœurs à lui, un jour où ils fassent des efforts pour préparer
l'instruction religieuse de ceux qui commencent ce jour-là une nouvelle
existence, et où ils intercèdent pour l'effusion du Saint Esprit sur la
multitude qui, après avoir été asservie si long-tempslongtemps par la méchanceté des hommes, a été enfin délivrée par le bras de
Dieu.Quelques-uns penseront peut-être que cette grande ceuvre a été accomplie par
les hommes, ils l'attribueront à telle ou à telle société ; mais nous espérons
que nos amis, aujourd'hui que la lutte des partis a cessé et que le nuage que
les passions humaines avait formé est dissipé, reconnaîtront unanimement
l'intervention providentielle du Dieu tout-puissant qui, du commencement à la
fin, est celui qui vraiment a fait cette œuvre glorieuse. C'est lui qui a
inspiré ses premiers défenseurs ; c'est lui qui l'a fait triom-
26
pher
des obstacles presque insurmontables qu'elle a rencontrés dans ses commencemenscommencements ; c'est lui qui a renversé les projets de ses amis et de ses ennemis ;
c'est lui qui a suscité des moyens et des appuis inattendus, divers, contraires
les uns aux autres, mais qui tous, sous la direction de sa main divine, ont
concouru au même but, faisant résulter du choc des opinions contraires
l'émancipation désirée, au sein de la paix, sans secousses, aux applaudissemensapplaudissements et avec l'approbation de tous. »Tel est le langage que les hommes généreux qui ont travaillé avec le plus de
persévérance et de zèle à l'abolition de l'esclavage dans les colonies anglaises
adressent à leurs compatriotes. Ils ne veulent des louanges que pour Dieu ! Jusqu'à quel point pouvons-nous nous associer à leurs transports d'allégresse ?
Peut-il y avoir de la joie quand la conscience accuse ?Pourquoi les fers des esclaves tombent-il dans les colonies anglaises avant même
qu'on ait songé à rendre leurs chaînes plus légères dans les colonies françaises ?
C'est que, pendant un demi siècle, des milliers et puis des millions de voix se
sont élevées en AngleterreAngleterre pour demander à Dieu et aux
hommes l'abolition de l'esclavage, tandis qu'en FranceFrance il n'y a eu, pour réclamer l'affranchissement des nègres,
que quelques voix isolées, qui ne se sont fait entendre qu'à de longs intervalles
et qui se sont bientôt lassées. C'est que la compassion n'a pas pénétré dans les
cœurs, et qu'un étroit égoïsme n'a fait songer qu'aux maux dont on souffrait
soi-même, tandis qu'il eût fallu pleurer avec tous ceux qui pleurent. C'est que la
foi, le mobile puissant qui a soulevé cette montagne et qui l'a jetée dans la mer,
parait à nos concitoyens un instrument inutile dont ils ne veulent faire nul
usage, et c'est pour cela aussi que leurs efforts produisent si peu.Ah ! ne demeurons pas en arrière des autres peuples quand il s'agit de pareils
triomphes ; et puisque le 1er août 1834 doit être pour nous un jour
d'humiliation en même temps qu'un jour d'actions de gracesgrâces , prenons la résolution de faire tout ce qui dépend de nous pour que le
jour vienne bientôt où nous pourrons dire, comme nos voisins, qu'il n'y a plus
d'esclaves dans les contrées sur lesquelles s'étend notre empire !(Le Semeur du 25 juillet)
27
France.PARIS.AFFAIRE DE M. BOITELM. BOITEL CONTRE M.
CICERONM.
CICERON.TRIBUNAL DE POLICE regECTIONNELLE. - 6 CHAMBRE,PRESIDENCE DE M. BOSQUILLON DE FONTENAYM. BOSQUILLON DE FONTENAY.Audience du 26 juillet.M Cicéron, avocat-avoué à la
Martiniquela
Martinique, a publié une brochure portant la date de
1832 et intitulée : Pétition au roi, à la nation et aux
chambres, sur l'inconstitutionnalité de la forme actuelle de la représentation
coloniale. Dans cette brochure, M. BoitelM. Boitel, qui a
rempli les fonctions d'administrateur civil dans cette colonie, ayant remarqué des
faits de diffamation articulés contre sa personne, avait cité M
Cicéron à la 6e chambre.Déjà M. BethmonM. Bethmon s'était présenté à deux précédentes audiences
pour M. Cicéron, et avait, sur sa demande, obtenu la remise de cette cause.Ajuourd'hui M. Moulin, à défaut de M.
BethmonM.
Bethmon qui en était empêché, a fait lecture de conclusions dans
lesquelles il expose que la brochure a été publiée au mois de novembre
1832 ; que ce n'est qu'en janvier 1834que la citation a été
donnée ; qu'ainsi le délai de six mois fixé par la loi du 26 mai 1819
pour la prescription est plus qu'accompli, et que les faits étant prescrits pour
ce qui concerne l'action publique, l'action civile ne peut être introduite que
devant les tribunaux civils. Ces conclusions tendent à ce que le tribunal de
police regectionnelle se déclare incompétent.M. RABOU, avocat de M. BoitelM. Boitel, manifeste
d'abord son étonnement de voir soulever un pareil incident. N'est-ce pas en effet.
dit-il, chose bien étrange que la prétention d'un adversaire qui, cité en justice
pour répondre de ses écrits, supporte les fatigues d'une longue traversée, fait un
voyage de dix-huit cents lieues pour venir dire à ses juges : « Je n'accepte pas
votre juridiction.
28
J'arrive en toute hâte de la
Martiniquela
Martinique pour vous déclarer que je m'en vais plus vite encore
plaider à la Martiniquela Martinique. » Combien, ajoute le
défenseur, un pareil système ne doit-il pas nous paraître plus surprenant encore
lorsque nous jetons les yeux sur le titre et la nature de la prévention ! Quoi !
M. Cicéron a fait répandre à Paris un libelle dans lequel il cherche à porter atteinte à la
considération de mon client ; il est venu troubler dans sa retraite un homme
d'honneur qui ne lui avait jamais donné aucun motif de plainte, et lorsque nous
lui demandons la juste réparation du préjudice qu'il a causé, il se retranche dans
des exceptions et des fins de non-recevoir ! En vérité, cela ne valait pas le
voyage.M. FERDINAND BARROT, avocat du roi, déclare que, lors même
que M Cicéron n'aurait pas opposé le moyen de prescription,
comme il lui semble intéresser l'ordre public, il l'aurait lui-même invoqué.M RABOU.--Je vois que j'ai dans cette cause deux adversaires ; mais les ressources
qu'elle me fournit suffiront, je l'espère, pour éclairer la religion du tribunal.
Abordant la discussion, l'avocat soutient qu'en supposant même que l'action
publique fût éteinte par la prescription de six mois, l'action civile n'en serait
pas moins régulièrement introduite devant le tribunal regectionnel, puisque aux
termes de la loi du 26 mai 1819, cette action ne se prescrit dans
tous les cas que par la révolution de trois années à compter du fait de la
publication.M. L'AVOCAT DU ROI a soutenu au contraire que du moment où l'action publique était
éteinte, l'action civile ne pouvait plus être portée devant un tribunal
regectionnel et devait l'être devant les tribunaux civils.M. BOITELM. BOITEL, ayant cru remarquer dans l'exposé des motifs
developpés par M. l'avocat du roi une appréciation morale interprétative de la
situation respective des parties, s'élève contre cet incident : il fait connaître
au tribunal que la date de l'assignation adressée à M Cicéron
est celle de la réparation offerte par M. Desgaut, fondé de
pouvoir de celui-ci, et que la rencontre qui s'en est suivie est une présomption
justificative du retard qui a été mis à saisir les tribunaux de ce délit.M. FERDINAND BARROT pense que ses paroles ont été mal
interprétées par M. BoitelM. Boitel ; il déclare que, comme magistrat
et comme
29
homme, il n'a point eu l'intention d'employer la moindre
acrimonie ; qu'il n'avait au contraire d'autre désir que celui d'éteindre, s'il
était possible, la haine qui semblait animer les parties.Le tribunal, après en avoir longuement délibéré en la chambre du conseil, a rendu
le jugement suivant :« Attendu, en droit, que l'action civile en réparation de dommage causé par un
délit ne peut être portée devant le tribunal regectionnel qu'accessoirement à
l'action publique ;Qu'il suit de là que lorsque l'action publique est éteinte par la prescription,
ce n'est plus devant la juridiction regectionnelle que l'action civile doit
être portée ;Attendu qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 26 mai 1819
l'action publique contre les crimes et délits de diffamation se prescrit par
six mois ;Qu'ainsi l'action publique se trouvait alors prescrite ;Par ces motifs, le tribunal déclare éteinte par la prescription
l’action publique résultant de la brochure dont il s'agit ; en conséquence
renvoie l'action civile devant les juges qui en doivent connaître, et condamne
le sieur Boitel aux dépens. » En sortant de l'audience, M. BoitelM. Boitel s'est transporté avec
son avocat chez un avoué pour faire citer M. Cicéron devant
la chambre civile du tribunal de première instance de la
Seine. Quoi qu'il en soit de la décision du tribunal, M.
Cicéron ayant reculé devant les débats publics sur le fond de
l'affaire, la question morale de ce procés est gagnée pour M.
Boitel.M.
Boitel.NOUVELLES DIVERSES.M. de Saint-Simon, pair de France, est nommé gouverneur des
établissemens français dans l'Inde.– M. le général Drouet d'Erlon est nommé
gouverneur d'AlgerAlger.– M. Eugène Saint-Quantin, conseiller-auditeur à la cour
royale de la Guiane françaisela Guiane française, a été nommé au
même emploi à la Guadeloupela Guadeloupe, en remplacement de
M. Juston, dont la démission a été acceptée.M. DalicanM. Dalican, juge-auditeur au tribunal de première instance
de
30
la Pointe-à-Pitre
(GuadeloupeGuadeloupe), a été nommé conseiller-auditeur à la cour
royale de la Guiane, en remplacement de M. Saint
Quantin.M. Baradat, avocat, a été nommé juge-auditeur au tribunal de
première instance de la Pointe-à-Pitre, en remplacement de
M.Dalican.M. Tilliard, conseiller à la cour royale de
Pondichéry, a été nommé procureur du roi près le
tribunal de première instance de Chandernagor, en
remplacement de M. Limeray-Beauchamps.M. Victor-Charles Moreau, juge royal au tribunal de première
instance de Pondichéry, a été nommé conseiller à la cour
royale de Pondichery, en remplacement de M.
Filliard.M. Limeray-Beauchamps, procureur du roi près le tribunal de
Chandernagor, a été nommé juge royal au tribunal de
première instance de Pondichéry, en remplacement de
M. Nozat.- M. l'abbé Roux a été nommé préfet
apostolique de l'île Bourbonl'île Bourbon, en remplacement de
M. l'abbé Pastre, qui a renoncé à
cet emploi.– M. le maréchal Gérard est nommé ministre de la guerre et
président du conseil, en remplacement de M. le maréchal
Soult, dont la démission est acceptée.- M. Mollien, consul-général à HaïtiHaïti, a été appelé au consulat de l'île de
CubaCuba. M. DavidM. David, consul de
FranceFrance à Sant-lago de
CubaSant-lago de
Cuba, est appelé au consulat de la Havane,
en remplacement de M. Guillemin, décédé.- Nous apprenons qu'à cette session, plusieurs députés doivent interpeller les
ministres de la marine et des affaires étrangères sur une question très
importante : il s'agit des décrets qui frappent d'interdiction l'entrée des Etats
de l'Union et de l'île de CubaCuba aux hommes de couleur,
citoyens français. Une telle discussion sera curieuse en présence de ceux des
délégués de l'aristocratie coloniale qui sont membres de la chambre des députés.
Nous croyons pouvoir assurer à l'avance que, dans cette discussion, l'un de ces
messieurs restera fidèle aux principes de justice et d'équité qu'il a toujours
soutenus. L'autre, le représentant de l'aristocratie de la
Martiniquela
Martinique, restera fidèle aussi à ses principes, et en cela il
sera parfaitement d'accord avec les hommes rétrogrades qui lui ont donné mandat de
les représenter.
31
- Une ordonnance du roi, en date du 22 juillet, arrête que les
gouverneurs des colonies françaises transmettront chaque année au ministre de la
marine une liste des condamnés libres et esclaves qui se seront fait remarquer par
leur bonne conduite et leur assiduité au travail, et qui paraîtront susceptibles
d'obtenir des lettres de gracegrâce ou de commutation.– Le concurrent de M. Ch. DupinM. Ch. Dupin, à l'élection de délégué de
l'aristocratie de la Martiniquela Martinique, était M.
BerryerM.
Berryer. Ce député légitimiste était porté par MM.
Villarson, Feuardent-Desculleville,
Perrinelle fils, Mauny et autres
hommes à idées rétrogrades, tous membres du conseil colonial de la
Martiniquela
Martinique. M. Ch. DupinM. Ch. Dupin a été nommé par le
parti aristocratique, qui qualifie d'oligarques ceux du parti
Villarson et consorts.– Nous attendons sur HaïtiHaïti et la marche de son gouvernement
des documensdocuments authentiques et positifs que nous nous empresserons de livrer à
l'impression. Il importe de bien savoir où en sont la civilisation, la liberté et
les lumières dans cette république d'hommes de couleur. Tout ce qui est relatif à
ce pays est pour nous du plus grand intérêt ; c'est à ce titre que nous citons la
lettre suivante :« A.M. le rédacteur du Courrier français.Paris, 22 juillet 1831.Monsieur,Arrivé d'HaïtiHaïti seulement depuis trois jours, j'ai eu
l'occasion, en parcourant la série du mois de juin du Courrier français, de voir inséré dans votre numéro du 22 un
article extrait du Journal du Havre du 19,
dans lequel on fait dire à un M. Grimard, commandant
le Courrier du Brésil, que quelques jours
avant son départ du cap haitien, on faisait courir le bruit du renvoi de
M. Inginac, secrétaire-général, qui aurait encouru la
disgrace du président pour avoir, disait-on, fermé les yeux sur un
fait de contrebande qui venait de se commettre au profit d'une maison
anglaise.Sans doute nul motif ne pouvait être plus mal imaginé pour essayer de jeter
ainsi au vent la nouvelle de la prétendue disgracedisgrâce dont le général Inginac
aurait été l'objet. Mais l'esprit humain est si inventif ! C'est de nos jours
une jouissance si attrayante de causer plus ou moins d'impression qu'il n'y
aurait rien d'étonnant que
32
quelques nouveaux capitaines de bâtimensbâtiments arrivant d'HaïtiHaïti annonçassent de nouvelles disgracesdisgrâces du général Inginac en leur
assignant le premier motif venu. Ce qu'il y a de vrai, c'est que quand il
quittera le poste qui lui est confié, et qu'il a rempli dignement, ce ne sera
jamais pour aucun acte contraire aux intérêts et à la gloire
d'HaïtiHaïti.Je ne répondrai pas au reproche qui est adressé à mon père de s'être montré
l'adversaire le plus opposé à la conclusion des traités à intervenir entre
la Francela France et HaïtiHaïti, parce que,
comme homme public, il ne doit compte de ses actes qu'à son pays ; mais je ne
puis m'empêcher de faire remarquer que ce serait bien étrangement s'écarter de
la raison que de ne pas se pénétrer que le
général Inginae doit trop apprécier les avantages
que feraient naître pour HaïtiHaïti des liaisons pacifiques
et définitives établies entre la République et la Francela France
pour ne pas appeler de tous ses voeux la conclusion des négociations qui durent
depuis neuf ans, et dont la solution intéresse si éminemment la prospérité de
la nation haïtienne.Je me plais à croire, monsieur, que vous voudrez bien donner place à ma lettre
dans votre estimable journal.Agréez, etc. D. INGINAC. »ANGLETERRE. - Lord MelbourneLord Melbourne est nommé premier ministre, en
remplacement de lord Grey, démissionnaire.- On lit dans le Standard : « Aujourd'hui 1er août étant le jour fixé pour la cessation de l'esclavage dans
les Indes occidentales, il sera donné à la taverne
des Francs-Maçons un grand banquet auquel présidera lord
Mulgrave. Un grand nombre de jeunes gens ont attendu à ce jour
pour se marier. » - On lit ce qui suit dans le Sun : « Nous apprenons que le peuple, daus diverses parties de l'empire, se prépare à
célébrer le 1er août, époque d'émancipation des esclaves, comme une fête
publique. Cette nouvelle nous a donné une grande satisfaction. Que
l'anniversaire soit célébré l'année prochaine seulement, ou que la fête ait
lieu cette année, peu importe, mais il est certain qu'un jour, les descendansdescendants du peuple anglais regarderont le 15 août comme un glorieux souvenir
de la libéralité anglaise. »
33
COLONIES FRANÇAISES.MARTINIQUE.MARTINIQUE.On nous écrit de la commune de la Trinité :« Le sieur Bardel, capitaine d'une compagnie de miliciens,
à la Martiniquela Martinique, rencontre dans la rue M.
Igout, colon, ancien négociant à la
Trinité, lui cherche noise, l'insulte et le menace de coups de
bâton. Le motif, c'est que M. Bardel se trouvait sans
doute dans un moment de mauvaise humeur. M. Igout, à qui
son âge et ses infirmités ne permettent point de châtier cette insolente
provocation, se dérobe par la fuite aux coups qui vont pleuvoir sur lui. Mais
le sieur Frotté, homme de couleur, fils naturel de ce
négociant, et qui est présent à cette scène, ne peut contenir son indignation,
et prend parti pour son père. Ne serait-il pas digne de blâme s'il était resté
spectateur lâchement impassible des outrages adressés aux cheveux blancs de
l'auteur de ses jours ? Cartel du sieur
Bardel au sieur Frotté. Celui-ci charge
M. Eudoxie Sugnin, son ami, de régler, conjointement
avec les témoins de son adversaire, le mode et les conditions du combat. Bref, gracesgrâce à l'intervention à la fois ferme et conciliatrice de M.
Sugnin, l'affaire est arrangée à l'amiable, sans qu'il en coûte
aucun sacrifice à l'honneur du sieur Frotté. Or, en ne
faisant pas bon marché de la dignité de son ami, M. Sugnin
a encouru la rancune de M. Bardel, et celui-ci n'attendait
qu'une occasion de la satisfaire : elle ne tarda pas à se présenter.Une revue de garde nationale a lieu, M. Sugnin se dispense d'y assister. Vite
un ordre de M. le capitaine Bardel
qui lui enjoint d'aller passer 48 heures à la salle de police ; cet ordre est
approuvé par une lettre de M. le commissaire-commandant,
le sieur Caffie, qui avait également un sujet
d'animosité personnelle contre M. Sugnin. (Nous regrettons que le défaut
d'espace ne nous permette pas de reproduire cette pièce vraiment curieuse.)
Notez que le tiers au moins de la compagnie commandée par le sieur
Bardel manquait à la revue, et que M. Sugnin
est seul puni. Le récit qui précède explique cette préférence de sévérité.
Ajoutons que
34
M. Sugnin est un patriote ardent et dévoué. Aussi, à la
peine arbitraire que lui a infligée le caprice de M.
Bardel, a-t-on ajouté un surcroît de rigueur non moins arbitraire
et encore plus odieux : M. Sugnin ayant réclamé contre cette détention
arbitraire, plainte fut portée contre lui aux autorités supérieures de la
colonie ; et sur un ordre de M. le gouverneur, il fut conduit par la gendarmerie
de la Trinité à la citadelle du
Fort-Royal, dite Redoute-Bouillé, où il fut mis au
cachot pendant six jours. Durant sa détention, M. Sugnin,
cruellement tourmenté par la faim, a été privé de toute nourriture, parce qu'il
avait été ordonné qu'il ne communiquerait pas même avec ses parensparents . Il ne dut qu'à la pitié des militaires de la garnison qui montaient
la garde à la citadelle, les quelques vivres qu'il reçut." »N'est-ce pas là l'arbitraire se donnant ses coudées franches ? Un manquement à une
revue transformé en délit punissable de 48 heures de détention ; puis, par ordre
supérieur, de six jours de cachot ! Un capitaine qui prend sur lui de prononcer
cette première peine, et d'y ajouter le tourment de la faim ! Un commandant qui
approuve cela, un gouverneur qui le tolère, quel ignoble dévergondage ! En vérité,
quand on raconte où qu'on lit de pareilles choses, on croit rêver ; et les bras en
tomberaient d'étonnement si l'on ne se rappelait que de pareils faits et beaucoup
d'autres dont nous faisons gracegrâce à nos lecteurs se sont passés dans une de nos colonies, terre classique
de l'arbitraire et de l'oppression.Ces faits ne sont-ils pas une preuve de la nécessité de réorganiser promptement
les milices coloniales ? Dans notre prochain numéro, nous examinerons les questions
de droit qu'ils font naturellement naître.-Saint-Pierre, 2 juin. On a
commencé aujourd'hui les débats dans l'affaire de la
Grand'Anse. La tranquillité la plus parfaite règne dans la ville. Depuis
ce matin, un déploiement considérable de forces militaires stationne aux avenues
de l'hôtel du gouvernement où se tiennent les assises. M. Auguste
Eugénie, accusé contumax dans l'affaire de la
Grand'Anse, s'était mis à l'abri des recherches de la justice en passant à
l'étranger ; il vient de se montrer dans la ville de
Saint-Pierre. Ses amis ont eu beaucoup de peine à le
décider à quitter la colonie : ils lui ont démontré qu'il n'était pas prudent de se
faire
35
juger au moment où les passions sont si irritées ; qu'il valait
mieux attendre le jugement par contumace, quitte à se présenter plus tard pour
être jugé contradictoirement. Auguste Eugénie s'est décidé
enfin à quitter de nouveau la colonie pour passer à l'étranger.GUADELOUPE.GUADELOUPE.On nous écrit de la Pointe-à-Pitre :« L'arbitraire est toujours à l'ordre du jour dans notre colonie ; les autorités
locales agissent comme en pays conquis, permettant à l'un de séjourner et
expatriant l'autre, selon que le bon plaisir leur dicte leurs arrêts. Il suffit
du plus léger soupçon pour qu'un citoyen soit traqué, enlevé, déporté.Quelques discussions ayant eu lieu entre un jeune blanc, nommé
Romager-l'Inregigible, et
Santz, jeune homme de couleur, le maire de la ville et
le directeur de l'intérieur ont intimé à Mme Santz l'ordre
de faire partir son fils sur-le-champ de la colonie, si elle ne voulait pas
qu'il fût arrêté et embarqué par ordre du gouvernement. Le jeune
Santz est parti pour HaïtiHaïti.
Peut-on se jouer plus impudemment de la liberté des citoyens ! »-Basse-Terre, 27 mai.- De la manière dont
marchent les choses, on peut dire, sans craindre de se tromper, que des événemensévénements comme ceux de la Grand-Anse (MartiniqueMartinique) se renouvelleront encore plus tard, et avant long-tempslongtemps , ou ici ou à la Martiniquela Martinique, car l'aristocratie
veut des victimes et ne les veut que parmi nous et chez nous. Le gouvernement
local ne cherche pas du tout à réconcilier les classes divisées aujourd'hui plus
que jamais.BOURBON.BOURBON.Tandis qu'à la Martiniquela Martinique et à la
Guadeloupela
Guadeloupe l'aristocratie coloniale supprime les fonds alloués au
budget pour l'instruction publique, qu'elle vote la suppression des écoles
mutuelles créées par le gouvernement, sous le ministère de M.
d'ArgoutM.
d'Argout, au département de la marine, et qu'elle demande le statu
quo sur la condition des esclaves, à BourbonBourbon un
colon de la classe que nous qualifions d'aristocrate publie un écrit intitulé :
Prospectus d'une société d'encouragement et d'émulation pour
l'amélioration du sort des esclaves, l'instruction publique, l'agriculture et
les arts industriels.
36
M. Henri Maingard, auteur de cet écrit, propose qu'il soit
établi dans chaque quartier de l'île Bourbonl'île Bourbon une société
d'encouragement, composée des électeurs de l'arrondissement. Son but serait de
répandre l'éducation primaire, de propager les meilleures méthodes d'agriculture,
en un mot de recevoir et de communiquer toutes les notions utiles à toutes les
classes de la communauté. Il est facile à quiconque a observé l'heureux effet des
associations de juger d'avance tout le bien que ferait celle-ci.Voici quelques passages qui démontrent d'une manière irrésistible la nécessité des
sociétés d'encouragement :« "Où est l'esprit public dans notre île ? Nous sommes inconnus les uns aux
autres ; nous vivons dans l'isolement, les talenstalents sont enfouis, les vertus ignorées !Que résulte-t-il de cette absence de tout ce qui donne du prix et du charme à
la vie sociale ? C'est que tout étranger qui a fait fortune dans le pays
s'empresse de le quitter, c'est que l'amour de la patrie ne résiste même pas
toujours au dégoût d'une existence monotone et dépouillée de tout ce qui
attache l'homme au sol.Et pourquoi ce triste état ? -C'est, en un mot, que nous sommes privés des
institutions qui sont la source du bien-être social. Cependant qu'on nous dise
quel pays est plus propre que le nôtre à recevoir des institutions d'utilité
publique ? Notre sol fertile et ses produits recherchés par le commerce peuvent
facilement faire régner l'aisance parmi nous. Nous avons prouvé que nous
n'avions aucun préjugé enraciné. Notre population intelligente et éclairée par
les reflets que la civilisation européenne nous envoie de 4,000 lieues, va
au-devant de toute amélioration. Enfin elle sent ses maux, elle les indique, et
demande que le remède lui soit appliqué." »GUIANE.M. Persegol, président de la cour royale de
la Guiane, vient de recevoir le prix de la
noble indépendance qu'il a montrée dans son rapport au ministre de la marine sur
l'affaire de MM. Vidal de Lingendes et
Pontevès. Ayant essuyé des reproches immérités, cet
honorable magistrat a donné sa démission de membre du conseil colonial et de
président de la cour.
37
M. V. Vidal de Lingendes,
procureur-général, l'a remplacé au conseil colonial.SÉNÉGAL.La traite continue à s'exercer sur toute la côte de Guinée,
malgré les croiseurs anglais et français. Les Portugais et les Espagnols se
livrent plus que tous autres à ce trafic odieux. Deux négriers de ces nations ont
été capturés dernièrement, mais il sera fort difficile d'empêcher la cupidité
d'éluder les lois si les autres gouvernemensgouvernements ne secondent pas franchement la Francela France
et l'Angleterre.ALGER.ALGER.On écrit de cette colonie :« La partie de la tribu de Beni-Moussa, qui habite la
montagne, réclame de ses voisins le meurtrier
d'Aliben-Louié, mort à la suite d'une blessure grave,
et qui ne sera certainement pas livré ; aussi de part et d'autre se prépare-t-on
au combat. D'un autre côté, une fermentation, aujourd'hui sourde et qui
pourrait bien éclater après la récolte, se manifeste parmi les tribus de notre
voisinage, et on a pu en voir quelques avant-coureurs au dernier marché de BouffarickBoufarick. Les Arabes, au caractère indépendant et inquiet, ne veulent être
ni recherchés ni pressés, et toutes les fois que nous irons chez eux, il faut
que nos visites, tout en les appelant à la confiance, n'en soient pas moins
appuyées sur la force, seul pouvoir devant lequel ils se courberont encore
pendant bien des années. On parle aussi de coalitions lointaines ; c'est la
saison, mais sans nationalité, sans union, le fil en serait bientôt rompu s'il
se nouait, et nos armes nous seraient probablement inutiles encore. Quoi qu'il
en soit, et malgré certains mécomptes que nous rencontrons de temps à autre,
toujours est-il que nous avons considérablement gagné de ce côté et que jamais,
depuis l'occupation, nos affaires n'ont été meilleures.Les relations de commerce viennent de s'engager entre notre garnison de
Bougie et les Kabyles des environs. Elles nous
donneront plus vite et plus sûrement la paix que nos armes, et nous allons tout
faire pour les encourager. Les fièvres de BoneBon sont déjà beaucoup moins meurtrières cette année que les
précédentes. AÀAlgerAlger, nos malades dépassent à peine
38
1,200,
et malgré la chaleur, l'effectif reste ainsi au-dessous de toutes les
prévisions.Les travaux du camp de Douera, ceux du
Môle, les constructions de la rue de Marine sont en grande
activité. »COLONIES ÉTRANGÈRES MAURICE. On lit dans le Cernéen, journal qui
s'imprime au Port-Louis (île
Maurice) :« "Il est question d'introduire 10,000 Indiens en cette colonie. Cette mesure est
proposée par un grand économiste, homme riche en projets, qui s'associe à un
prince indien bailleur de fonds. Elle sera, on l'assure, approuvée par le
gouvernement, et qui plus est, par la chambre de commerce du
Port-Louis. On dit aussi que, de même qu'autrefois
les Espagnols s'unissaient pour chasser les Maures de leur pays, aujourd'hui
les Maures se donnent la main pour amener les Indiens dans le nôtre. Ces
Indiens doivent être accompagnés et commandés par des Cipayes, choisis parmi
les troupes de la compagnie des Indes. Ces chefs seront autorisés à porter
leurs uniformes et autres décorations, sous condition que rien ne réveille le
souvenir effrayant des volontaires.Les planteurs qui emploieront ces Indiens seront tenus de leur fournir trois
repas par jour ; ils leur donneront de plus sept roupies par mois de gages ; prix
qui paraîtrait trop élevé, si l'on ne considérait que les habitanshabitants de Maurice devant avoir incessamment à soutenir la concurrence de
ceux de l'Inde dans la produc tion des sucres, il doit leur être indifférent de
donner sept roupies sans vivres.Le grand point pour cette colonie, comme pour toutes les au tres, relativement
à l'exécution du bill d'émancipation, est que la grande culture puisse se
maintenir, que l'affranchissement ne soit
39
pas pour les noirs le
signal du désordre et de la paresse, en un mot que le travail libre remplace,
au moyen d'un raisonnable salaire, le travail forcé. C'est vers ce but que
doivent tendre, dans les limites de l'acte du parlement, toutes les
combinaisons législatives locales, et c'est du plus ou moins de réussite que
dépendront le sort plus ou moins florissant de la colonie et le maintien du
prix de toutes les valeurs mobiliairesmobilières et immobiliairesimmobilières du pays.C'est frappés de cette pensée, et dans cette appréhension que les noirs devenus
libres ne prennent que difficilement des habitudes laborieuses, et n'offrent à
l'exploitation des grandes plantations qu'une ressource très précaire, que
quelques personnes ont pensé à faire venir de l'Inde des travailleurs, et à
renouveler une expérience déjà infructueusement tentée, il est vrai, mais qui
n'a peut être si mal tourné que parce qu'elle n'a pas été convenablement et
judicieusement faite. Le principal obstacle qui s'est rencontré, et qui en
effet ne laisse pas que de paraître très difficile à surmonter, c'est d'obtenir
des individus, une fois transportés sur notre sol, l'exécution des engagemensengagements de travail qu'ils ont contractés dans feur pays. L'expérience a
prouvé que nos lois ou étaient sur ce point insuffisantes, ou ne contenaient
même aucune disposition qui pât s'appliquer à l'espèce. Y a-t-il possibilité
d'établir une loi qui atteindrait parfaitement ce but et l'autorité locale
voudra-t-elle se prêter et concourir à son adoption ? Telle est, il nous
semble, la question préalable qui doit être agitée et résolue avant qu'aucun
spéculateur prudent puisse se hasarder à rien entreprendre de ce genre.Pour ce qui est d'une telle loi, qui assurât aux contractanscontractants de part et d'autre l'exécution fidèle de leurs engagemensengagements , il faudrait. avoir étudié ce sujet plus que nous ne l'avons fait,
et surtout mieux connaître les habitudes, les moeurs et même les préjugés des
castes indiennes avec lesquelles il serait convenable de traiter, pour bien se
rendre compte de la possibité de l'établir et de la rendre efficace. Mais au
besoin il se trouverait ici assez de personnes capables de fournir les notions
exactes et les renseignemensrenseignementssuffisanssuffisants sur ce point, et il ne s'agirait que de les consulter. Quant à
l'assentiment et au concours du gouvernement, et une fois le premier point
favorablement résolu, si nous le supposons tel qu'il doit être et qu'il est
sans doute, porté à faire tout ce qui peut contribuer à la pros
40
périté du pays, nous ne voyons pas quelles seraient les objections qui
pourraient l'arrêter. Nous ferons observer toutefois que ce n'est pas seulement
ici l'acquiescement et le consentement de l'autorité qui seraient nécessaires,
mais qu'il faudrait encore de sa part assistance matérielle et concours
d'action. Sans cette autre certitude, nons le répétons, il y a peu d'apparence
qu'aucune personne voulût risquer ses fonds dans un essai de cette nature, qui,
précédemment, en partie pour cette raison-là même, a déjà si mal réussi.Nous irons plus loin, et nous dirons que, lors même que ces points seraient
concédés, il conviendrait encore de procéder dans cette expérience avec toute
la circonspection possible. Ainsi, peut être vaudrait-il mieux qu'elle fût
faite par une société de souscripteurs et à frais communs que par un seul
particulier. Il ne serait pas difficile de trouver une habitation ayant encore
des usines en état de servir sans grandes réparations, mais abandonnée faute de
bras. On pourrait y placer le nombre d'Indiens proportionné à ce lui
qu'exigerait son exploitation ; et en ne négligeant aucun des moyens
qu'indiqueraient une sage économie et une bonne entente d'administration, le
résultat obtenu, au bout d'un certain temps, pourrait servir de terme de
comparaison et de preuve du bon ou du mauvais succès de l'expérience. Ce qui
nous suggère cette idée, c'est que nous voyons que dans tous les pays, c'est
par de tels moyens d'association que l'on exécute les entreprises les plus
difficiles et les plus hasardeuses, qui seraient trop au-dessus des forces d'un
seul particulier, ou bien dans lesquelles il ne voudrait pas risquer des sommes
qui pourraient compromettre toute sa fortune si elles venaient à échouer. Ainsi
dans l'Inde, c'est par le moyen des souscriptions par actions que l'on s'occupe
d'établir une communication régulière entre BengaleBengale et
l'Europe par l'isthme de
Suez, à l'aide des bâtimensbâtiments à vapeur. Au Cap, on entreprend de la même
manière l'exploration de l'intérieur de l'Afrique ; à
Sainte-Hélène, on a fondé une compagnie par actions,
dont le but est la pêche de la baleine, qui abonde dans les parages voisins.
Partout enfin c'est par de semblables moyens que l'industrie se développe, et
bien que nous n'ayons ici que le mérite de l'imitation, ne serait-ce pas une
grande faute de notre part que de le négliger ?
41
Le gouvernement local possédait, en 1829, 1294 esclaves et 2010
apprentis. Depuis on en a libéré un certain nombre. Désireux de savoir au juste
combien il en reste, nous avons cherché à nous procurer quelques renseignemensrenseignements à ce sujet. Mais nous avons appris, avec étonnement, que des
instructions récentes prescrivent de garder le secret le plus rigoureux sur
toutes les matières administratives généralement quelconques. Ainsi les détails
statistiques, toujours fournis avec empressement par les gouvernemensgouvernements de l'Europe (même russe ou prussien) aux écrivains et aux
publicistes, sont à Maurice des choses plus occultes que
les mystères d'Isis. Le vulgaire n'en doit rien connaître
: la plèbe n'est bonne qu'à payer et se taire. Nous ne pouvons toutefois nous
empêcher d'exprimer notre surprise de ce que, au moment où le parlement vient
de proclamer l'émancipation universelle, le gouvernement conserve encore des
esclaves. On nous dira qu'ils sont nécessaires aux différensdifférents services d'administrations : comme ouvriers sous l'ingénieur civil,
comme courriers de police. Eh bien ! soit ; nous sommes faciles à contenter,
pourvu qu'on nous donne quelque raison. Que le gouvernement garde donc encore
quelque temps ses esclaves, jusqu'à ce qu'il puisse les remplacer par des
employés libres.Mais les apprentis ! Ils ne lui servent de rien. Chaque collecteur des douanes
les a successivement distribués à ses amis, ou aux protégés du pouvoir, les uns
pour 14 ans, les autres pour 7 ans. Certainement il en est fort peu dont le
temps ne soit pas expiré. Qui empêche donc qu'ils ne jouissent de la liberté
qui leur est garantie par la loi ? Oh ! c'est que la plupart sont placés chez
des employés du gouvernement, qui trouvent très commode d'avoir de bons
domestiques à 2 piastres par mois. Mais cela est illégal et injuste envers ces
pauvres gens. Ennemis de tous les genres d'oppression, nous ne craignons pas
d'élever la voix en leur faveur. Tous savent un métier quelconque et sont aptes
à gagner leur vie : leurs maîtres, en les recevant, se sont engagés à leur
enseigner. Une fois libres, ils ne seraient point à charge à la société, et
vivraient paisiblement de leur industrie. D'ailleurs s'ils
méfont, les lois répressives sont là pour eux comme pour
les autres affranchis. Qu'on les livre donc immédiatement, au risque de faire
prendre à messieurs tels ou tels, des domestiques à gros gages." »
42
GRENADE. On nous écrit de Saint-Georges :« "Chacun fait ses préparatifs ici pour le grand changement qui doit s'opérer le
1 août. Même ceux qui jusqu'à présent s'étaient montrés les plus chauds
soutiens de l'esclavage, voyant leur cupidité satisfaite par la part qu'ils
recevront des vingt millions sterling d'indemnité accordés par l'Angleterre,
paraissent charmés de ne plus porter le titre avilissant de propriétaires
d'esclaves." »TORTOLL.Dans cette possession anglaise, on n'a pas attendu le terme fixé par le bill pour
proclamer par la liberté des nègres. Les habitanshabitants , comprenant tout ce que cette loi renferme de haute moralité, se sont
empressés de la mettre à exécution.DÉMÉRARIDans les colonies anglaises, la saine raison triomphe chaque jour de plus en plus
de l'odieux et ridicule préjugé de la peau. A Démérari,
établissement voisin de la Guiane françaisela Guiane française, le bill
d'abolition de l'esclavage n'a fait que rapprocher les différentes classes de la
population : toute distinction de couleur a entièrement disparu. D'après le récit
d'un voyageur, arrivé récemment de cette colonie, les hommes de couleur y
exercent, concurremment avec les créoles, les professions libérales qui
jusqu'alors avaient été si injustement interdites aux premiers ; ils sont admis
comme officiers dans les milices, et il est à croire que le gouvernement anglais,
qui s'associe sans trop de résistance aux progrès de la civilisation, les admettra
un jour ou l'autre aux emplois publics. Cette mesure équitable compléterait
l'entière fusion des deux classes.AÀ un bal donné par le gouverneur de Démérari, le
même voyageur a vu des dames de couleur en assez grand nombre et qui se faisaient
remarquer par leur esprit et leur bonne éducation. En général, dans les
possessions anglaises, la classe de couleur a compris que le moyen le plus
efficace pour établir une égale parfaite et
43
réelle parmi la population,
aux colonies, était de se livrer à l'étude des sciences et des lettres, et de se
mettre par là en état de rivaliser de capacité avec la classe blanche. C'est un
exemple que nous ne pouvons trop recommander à l'attention de nos frères des
colonies françaises.CUBACUBADes actes de piraterie ont été commis dans les environs de
Honduras et Nicaragua
(Nouvelle-Espagne). Deux navires suspects et de
construction espagnole ont été vus dernièrement se dirigeant du côté de
Carthagène, de conserve avec un navire que l'on croit
français, et qu'ils auront sans doute capturé.Le gouvernement de la Jamaïque a envoyé quelques sloops de
guerre à leur poursuite.La traite se fait ouvertement à la Havane, malgré les
dangers auxquels elle devrait exposer ceux qui la font. Dans le mois d'avril
dernier, un négrier ayant été affalé à la côte Ouest de
Saint-DomingueSaint-Domingue, quelques-uns des esclaves brisèrent
leurs fers, saisirent des armes, et, après une affreuse mêlée où l'équipage fut
battu, s'emparèrent du navire, qui bientôt fit naufrage. Les noirs qui ne furent
pas noyés ont été accueillis à Saint-DomingueSaint-Domingue. Cinq ou six
matelots se sont sauvés à CubaCuba.CANADAOn lit dans le Journal de la Marine les
observations suivantes sur les moeurs politiques du
Canada :« Les femmes ont, au Canada, le privilégeprivilège d'aller donner leurs votes aux élections aussi bien que les hommes.
Lors des dernières élections, où le colonel
Baley fut nommé à la législature, comme il y avait rivalité entre
MM. Litte et Wilkinson, il n'y eut
pas moins de trente-cinq dames qui se rendirent aux hustings
pour déposer leurs votes en sa faveur. Ces dames étaient des veuves ou des
demoiselles. On remarqua qu'il n'y eut qu'une femme mariée, probablement
entraînée par les autres, qui vota. Cependant il arrive souvent que la femme
vote d'un côté et le mari de l'autre, dans les mêmes ou dans différentes
élections, suivant les droits que leur donnent leurs propriétés. Au mois de
mai 1832, il y eut une contestation à l'élection de
Montréal, qui dura environ un
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mois, et
pendant laquelle il y eut deux cent vingt-cinq femmes qui votèrent. L'un des
candidats était un Irlandais ; il y eut quatre vingt-quinze dames qui donnèrent
leurs votes pour lui. L'autre gentleman était M.
Stanlez-Bagg, citoyen des États-UnisÉtats-Unis,
naturalisé au Canada ; cent quatre femmes votèrent en sa
faveur. Les autres vingt-six femmes qui s'étaient présentées ne firent pas
usage de leurs droits politiques. Plusieurs dames prirent, dans cette
circonstance, le parti contraire à celui qu'avaient embrassé leurs maris ; ces
derniers ne s'en formalisèrent pas. »CONVOI DU JEUNE PAVILLON.Le 25 juillet, nous avons assisté aux funérailles de Sainte-Cour
Pavillon, de la Guadeloupela Guadeloupe, élève
du collège d'Henri IV, et qui donnait les plus belles espérances. Un
grand nombre d'hommes de couleur assistaient à cette cérémonie. On y remarquait
une députation de jeunes Européens condisciples de Pavillon.
Un jeune camarade de Pavillon, M.
Dorville-Jouannet, homme de couleur, étudiant en droit, a prononcé
les paroles suivantes sur la tombe de son ami :« "Ainsi donc, c'en est fait, cher Pavillon ; sur ton front
de seize ans l'impitoyable Mort a placé sa main glacée. A peine a-t-elle laissé
un intervalle entre ton berceau et la tombe. Venu en FranceFrance pour chercher cette instruction qui doit opérer
l'émancipation des hommes de couleur, c'est après un séjour de dix ans, lorsque
tu finissais ta rhétorique, lorsque tu allais te lancer dans une des carrières
dont l'utilité est reconnue chez nous, que la cruelle Mort est venue
t'arrêter.Que tu es à plaindre, infortuné compatriote, si, comme nous en sommes
convaincus, ton coeur a battu pour tes frères ! si tu as quelquefois rougi
d'indignation en songeant au joug affreux qui pèse sur ta malheureuse classe !
Il eût été si doux pour toi de contribuer à la régénération de ton pays, à le
rendre digne du dix neuvième siècle, et à lui faire répudier les stupides et
barbares préjugés du passé ! Alors tu aurais pu mourir ; mais aujourd'hui c'est
trop tôt !
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Quelles paroles de consolation ferons-nous entendre à ton père ? Que
dirons-nous pareillement aux tiens, à cette tante, qui eût pu te faire oublier
ta mère, si une mère se pouvait oublier ? Ah ! descends un moment du séjour des amesâmes , et dicte-nous des paroles qui puissent modérer leur douleur, car
cette tâche serait au-dessus de nos forces.Adieu ! dors en paix, cher Pavillon, et qu'à défaut de la terre natale, la terre
de France te soit légère !Adieu ! adieu pour toujours ! »BIOGRAPHIE.M. CABASSE.M. Prosper Cabasse, ex-procureur-général près la cour royale
de la Guadeloupela Guadeloupe, n'intéresse les colonies que
par le rôle qu'il y joua sous la restauration, notamment dans le fameux procès des
hommes de couleur de la Martinique.la Martinique.M. Prosper Cabasse est un exemple vivant de ce que peut la
faiblesse unie à l'ambition. Sans avoir précisément une ameâme vile et méchante, avec un tempérament facile et doux, cet homme
cependant, pressé d'arriver, embrassa avec chaleur la cause des Bourbons restaurés
et se fit le très humble serviteur de la réaction contre-révolutionnaire ordonnée
par eux.Petit avocat, vivant à Aix dans l'obscurité, il voulait
percer ; il afficha si haut son amour pour cette famille d'ennemis publics
qu'avaient imposée à la FranceFrance les baionnettes
étrangères, il parla si souvent et si fort de son royalisme, qu'enfin le petit
avocat devint magistrat. M. Cabasse présidait la cour
d'assises de Toulon où fut condamné à mort, par des jurés
choisis, le capitaine
Vallée, ce brave qui mourut avec tout le courage et tout
le sang-froid d'un martyr de la liberté. M. Cabasse dut à
cette circonstance d'être remarqué par ses supérieurs et noté comme un homme zélé
à qui il revenait de l'avancement. Il lui dut aussi, selon la notoriété publique,
d'être dé
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coré du ruban rouge qui brille à sa boutonnière. M.
Cabasse prétend qu'il y a erreur et que ce n'est pas pour ce fait
qu'il a été décoré. C'est possible ; mais, comme il ne nie pas l'avoir été après le
jugement de Vallée, il y a de grandes présomptions pour la
notoriété publique. On raconte à ce sujet qu'à quelque temps de là, un de ses
amis, l'ayant rencontré orné du ruban rouge, le prit par la boutonnière, et d'un
ton goguenard le salua du mot latin vale. Ce fut
en 1826 que ce magistrat fut mis en rapport direct avec les colonies.
Nommé procureur-général à la Guadeloupela Guadeloupe par
le ministre Chabrol, M.
Cabasse, après avoir fait sa cour aux puissanspuissants de Paris, se rendit à
Brest, où une frégate de la marine royale l'attendait.
MM. BissetteMM. Bissette, FabienFabien et
VolnyVolny, les grands fauteurs de propagande, y étaient
détenus. M. Cabasse allait être leur accusateur. Ils
s'adressèrent à lui pour éclairer sa religion, et, comme ils avaient demandé au
nouveau procureur-général un mot de réponse, celui-ci, prenant déjà les airs de
grand seigneur, qui allaient si bien à sa nouvelle position, leur envoya
cavalièrement son domestique leur dire qu'il avait reçu leurlettre.Après avoir touché et pris langue à la Martiniquela Martinique avec les
membres les plus influensinfluents de l'aristocratie coloniale, le nouveau procureur-général arriva en
janvier 1827 au siégesiège de sa juridiction.Le 27 mars 1827, l'affaire de MM. BissetteMM. Bissette,
FabienFabien et VolnyVolny vint en cour royale à
la Guadeloupela Guadeloupe. M. Cabasse, en un
long réquisitoire écrit de ce style fleuri, traînant, et tout hérissé de
réminiscences classiques, familier aux avocats médiocres, et qui est le fléau des
auditeurs et le juste châtiment des mauvais juges, soutint l'accusation. Dire
qu'il y mit de l'acharnement et de la passion, ce serait injuste : il fit pis :
froidement, sans émotion, il parla trois heures : après avoir flatté les préjugés
de l'aristocratie coloniale et s'être évertué à créer des coupables là où il n'y
avait que des hommes qui avaient usé de leurs droits contre des dominateurs insolensinsolents ; après avoir rappelé des ordonnances royales vieilles de deux siècles,
et cité ces horribles paroles de celle de Moulins :
« "Quiconque aura affiché ou semé des libelles séditieux ou
diffamatoires sera pendu et étranglé jusqu'à ce que mort
s'ensuive" » ; ces non moins horribles paroles de l'ordonnance de
janvier 1629 :
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« "Ceux qui écrivent, impriment on font imprimer, exposent en vente,
publient et distribuent des livres, libelles ou écrits diffamatoires et
convicieux seront pendus et étranglés jusqu'à ce que mort
s'ensuive" » ; il conclut bénignement, contrairement à la loi et comme
effrayé lui-même des odieuses conséquences de son réquisitoire, contre
M. Bissette, à dix années de bannissement. Ou coupable on
innocent, il n'y avait pas d'autre alternative : coupable, il fallait demander la
hideuse application du texte de l'ordonnance invoquée : la mort ;
innocent, il fallait acquitter. Le juste milieu cherché par M.
Cabasse, hors des dispositions formelles de la loi, ne fut inventé
que pour amener une condamnation ; il eût été trop révoltant de condamner à mort
pour avoir répandu ce que ces messieurs appelaient un libelle ; ils n'eussent osé.
Le mezzo-termine de M. Cabasse leur permettait de satisfaire
les mauvaises passions de leurs collègues de la Martiniquela Martinique,
mais le difficile était de motiver un arrêt contraire à la loi. Aussi les juges
furent-ils cinq heures à rendre leur arrêt.M. Bissette ne fut pas plus tôt condamné que, par un de ces
retours qui sont dans le caractère des hommes qui veulent ménager, comme on dit,
et la chèvre et le chou, M. Cabasse vint visiter, à dix
heures du soir, le banni dans sa prison, et s'efforça de lui faire sentir toute la
douceur de la condamnation, lui disant de ne pas lui en vouloir, qu'il n'avait pu
mieux faire ; qu'il n'était pas trop dur de vivre en FranceFrance,
et qu'il le priait d'avoir égard à ses bonnes intentions. M.
Bissette sut très peu de gré, comme on pense, au procureur-général,
de cette visite, inspirée évidemment par la crainte de l'opinion
métropolitaine.La conduite du procureur-général dans toute cette affaire fut pleine de mauvaise
foi et de faiblesse ; il alla jusqu'à décacheter les lettres écrites aux prévenus
par leur avocat de Paris, lettres qui lui étaient
recommandées à lui-même. Serviteur des classes élevées, comme il les
appelait dans son réquisitoire, c'est-à-dire des blancs, il ne l'était pas moins
de certains fonctionnaires qui eussent dû être à ses ordres. Le commissaire de
police, Hercule-Petit-Lolo, homme inepte,. ameâme damnée de l'aristocratie de la peau, transgressait et déchirait même ses
ordres quand ils contrariaient un tant soit peu les passions des dominateurs, et
le procureur-général le laissait faire et s'humiliait devant la volonté de cet
agent subal
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terne. Ainsi les parensparents et amis des détenus, malgré la permission signée du procureur-général,
se sont vu plus d'une fois refuser l'entrée de la prison, parce qu'il plaisait à
ce commissaire de police de ne pas la leur faire ouvrir. Les justes plaintes que
faisaient les prisonniers au procureur-général sur les mauvais traitemenstraitements qu'ils recevaient restaient toujours sans réponse. C'est ainsi que cet
homme s'est constamment conduit dans l'exercice de son ministère, joignant la
paresse à l'esprit d'injustice et de servilité. Pour ne citer qu'un fait :
M. Bisette ayant demandé sa liberté sous caution pour voir
sa famille et régler ses affaires avant de partir, le gouverneur
Desrotours et même les juges colons qui l'avaient condamné y
consentaient : M. Cabasse seul s'y opposa.AÀ son retour en FranceFrance en
1829, il fut nommé procureur-général à Limoges. Vint la révolution
de juillet. M. Cabasse se sentit ébranlé sur son siégesiège d'accusateur public. Amoureux de sa place avant tout, il s'adressa au
nouveau ministre pour y être maintenu, et, à l'appui de sa demande, il eut
l'inconcevable idée de produire son fameux réquisitoire comme témoignage de sa
modération. Mais les amis des déportés de la Martiniquela Martinique,
qui entouraient le vertueux Dupont de
l'EureDupont de
l'Eure, prouvèrent qu'ils avaient de la mémoire :
M. Cabasse fut destitué.Depuis il a vainement cherché à être replacé et même à retourner aux colonies.
Nous ne pensons pas qu'il se trouve jamais un ministre de la marine qui manque de
pudeur au point de l'y renvoyer. M. Cabasse, repoussé des
emplois publics, s'est fait l'agent d'affaires du pape et des légitimistes ; il
agiote avec avantage, assure t-on, pour le Saint-SiégeSiège. Dieu l'ait en sa sainte garde !IMPRIMERIE D'HERHAN, 580, RUE SAINT-DENIS.
Revue ColonialeRevue ColonialeThe Revue Coloniale, was an ephemeral monthly periodical, printed in Paris during the year 1838. Its founder Édouard Bouvet and editor Rosemond Beauvallon conceived of it on the model of many similar, contemporaneous publications reporting on political and economic questions of interest to white colonists while also attending to arts and literature, as attested by the journal’s complete title: Revue Coloniale. intérêts des colons : marine, commerce, littérature, beaux-arts, théâtres, modes. In the December 1838 issue of the Revue des Colonies, Cyrille Bissette acknowledges the Revue Coloniale as both an ideological opponent and a competitor in the print market.Fondée par Édouard Bouvet et dirigée par Rosemond Beauvallon, la Revue Coloniale, sous-titrée intérêts des colons : marine, commerce, littérature, beaux-arts, théâtres, modes, souscrit au modèle des revues destinées aux propriétaires coloniaux, rendant compte de l'actualité politique et économique des colonies tout en ménageant une place aux contenus littéraires, culturels et mondains. Dans le numéro de décembre 1838 de la Revue des Colonies, Cyrille Bissette reconnaît en la Revue Coloniale tant un adversaire idéologique qu'un concurrent dans le paysage médiatique.Le Moniteur universelLe Moniteur universelLe Moniteur universel, often simply referred to as the “Le Moniteur” is one of the most frequently referenced nineteenth-century French newspapers. An important cultural signifier, it was referenced frequently in other publications, in fiction, and likely in contemporary discussions. Its title, derived from the verb monere, meaning to warn or advise, gestures at Enlightenment and Revolutionary ideals of intelligent counsel.Initially, Le Moniteur universel was merely a subtitle of the Gazette Nationale, established in 1789 by Charles-Joseph Panckouke, who also published Diderot and d’Alembert’s Encyclopédie. Only in 1811 that the subtitle officially ascended to title.The Moniteur had become the official voice of the consular government in 1799. Under the Empire, it gained the privilege of publishing government acts and official communications, effectively becoming the Empire's primary propaganda outlet. However, its role was not confined to this function. It survived various political regimes, including the Revolution and the death of Panckouke in 1798. Its longevity can be attributed to its adaptability, with its successive iterations reflecting the political culture of each historical stage, transitioning from an encyclopedic model during the Revolution, to a state propaganda tool during the First Empire, to a collection of political speeches under the constitutional monarchy and the Second Republic, and finally, to a daily opinion newspaper for the general public under Napoleon III.During the print run of the Revue des Colonies, the “Moniteur” was divided into two main sections: the “official” and the “unofficial” part. Government documents and official communications were published in the official section, while other current events and various topics were featured in the unofficial section under a range of headings such as “Domestic,” “International,” “Entertainment,” etc. The texts cited in Revue des Colonies were most often found in the unofficial section, typically under the “Domestic” heading and on the front page.Titles containing the label “Moniteur” followed by a toponym abounded throughout the nineteenth century: local or colonial titles used this formula to emphasize their official status, maintaining the distinction between the official and unofficial sections.Laurence Guellec, « Les journaux officiels », La Civilisation du journal (dir. Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty, Alain Vaillant), Paris, Nouveau Monde, 2011. https://www.retronews.fr/titre-de-presse/gazette-nationale-ou-le-moniteur-universelhttps://www.retronews.fr/titre-de-presse/gazette-nationale-ou-le-moniteur-universel .Le Moniteur universel, ou « Le Moniteur », est l’un des journaux les plus cités, sous cette forme abrégée et familière, au cours du XIXe siècle : on le retrouve, véritable élément de civilisation, dans la presse, dans les fictions, probablement dans les discussions d’alors. Ce titre, qui renvoie au langage des Lumières et de la Révolution, dérive étymologiquement du verbe monere, signifiant avertir ou conseiller. Il n’est d’abord que le sous-titre de la Gazette nationale, créée en 1789 par Charles-Joseph Panckouke, éditeur entre autres de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert ; ce n’est qu’en 1811 que le sous-titre, Le Moniteur universel, devient officiellement titre.Lancé en 1789, ce périodique devient en 1799 l’organe officiel du gouvernement consulaire ; il obtient ensuite, sous l’Empire, le privilège de la publication des actes du gouvernement et des communications officielles, passant de fait au statut d’« organe de propagande cardinal de l’Empire ». Il ne se limite pourtant pas à cette fonction, et survit aux différents régimes politiques comme il a survécu à la Révolution et à la mort de Panckouke en 1798. Sa survie est notamment liée à sa capacité à changer : les modèles adoptés par sa rédaction, qu'ils soient choisis ou imposés par le pouvoir en place, reflètent de manière révélatrice la culture politique propre à chaque période marquante de son histoire. Ainsi, comme le souligne Laurence Guellec, il se transforme en une grande encyclopédie pendant la Révolution, devient un instrument de propagande étatique sous le Premier Empire, se mue en recueil des discours des orateurs durant la monarchie constitutionnelle et la Seconde République, puis se positionne en tant que quotidien grand public et journal d'opinion sous le règne de Napoléon III. Ajoutons enfin que les titres constitués du syntagme « Moniteur » suivi d’un toponyme sont nombreux, au cours du siècle, en France : les titres locaux ou coloniaux adoptent cette formule pour mettre en exergue leur ancrage officiel, et respectent la distinction entre partie officielle et non officielle.À l’époque de la Revue des Colonies, Le Moniteur universel est organisé en deux grandes parties : la « partie officielle » et la « partie non officielle ». Les actes du gouvernement et les communications officielles, quand il y en a, sont publiés dans la partie officielle, en une – mais parfois en quelques lignes – et les autres textes, tous d’actualité mais aux thèmes divers, paraissent dans la partie non officielle sous des rubriques elles aussi variées : intérieur, nouvelles extérieures, spectacles, etc. Les textes que cite la Revue des Colonies paraissent dans la partie non officielle, le plus souvent sous la rubrique « Intérieur » et en une.Laurence Guellec, « Les journaux officiels », La Civilisation du journal (dir. Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty, Alain Vaillant), Paris, Nouveau Monde, 2011. https://www.retronews.fr/titre-de-presse/gazette-nationale-ou-le-moniteur-universelhttps://www.retronews.fr/titre-de-presse/gazette-nationale-ou-le-moniteur-universel .