Revue des Colonies V.1 N°1
Maria Beliaeva Solomon
Annotated by
A. Lagarde
M. Beliaeva Solomon
A. Louis
A. Brickhouse
Charlotte Joublot Ferré
C. Stieber
E. Hautemont
G. Pierrot
J. Couti
J. Balguy
K. Duke-Bryant
L. Demougin
M. L. Daut
M. Roy
N. Romney
S. E. Johnson
T. Tirkawi
Y. Najm
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REVUEDESCOLONIES,
RECUEIL MENSUEL[1] DE LA POLITIQUE, DE
L'ADMINISTRATION, DE LA JUSTICE, DE L'INSTRUCTION ET DES MOEURS
COLONIALES,
PAR UNE SOCIÉTÉ D'HOMMES DE COULEURSOCIÉTÉ D'HOMMES DE COULEUR,
DIRIGÉE PAR C.-A. BISSETTEC.-A. BISSETTE.
N°1Juillet.
PARIS, AU BUREAU DE LA REVUE DES
COLONIES, 46, RUE NEUVE-SAINT-EUSTACHE
1834.
REVUEDES COLONIES
Prospectus.
Les colonies en général ne connaissent encore que la théorie des grands
principes de philantropie ; de la liberté en action, point.
Les classes souffrantes et opprimées réclament et combattent sans cesse,
toujours sans succès. Pour stimuler cette volonté molle de faire le bien, à
laquelle se bornent nos
gouvernans
gouvernants
, il est nécessaire de grouper en faisceau les réclamations justes
qui s'élèvent de toutes parts. Ces réclamations, ces griefs, pour avoir du
succès, doivent recevoir la plus grande publicité : c'est l'objet de notre
Revue.Revue.
La tribune ne peut plus suffire aujourd'hui ; les pétitions
sont ajournées par la négligence calculée des rapporteurs ou repoussées par d'
insolens
insolents
ordres du jour. D'un autre côté, les prescriptions des ministres
sont savamment éludées par les autorités coloniales, toujours bien disposées
en faveur des privilégiés. A cette tactique jusqu'à ce jour triomphante, des
partisans de l'aristocratie et du
privilége
privilège
, il faut enfin opposer la puissance de l'opinion publique éclairée
par une discussion toujours sage, toujours vraie, mais énergique et jamais
timide, des causes, quelles qu'elles soient, qui entravent la fusion
désirable des populations diverses des colonies[2].
A cet effet, un journal spécial est créé sous le titre de Revue des Colonies Revue des Colonies,
et M. BissetteM. Bissette en a la direction.
Ce journal n'est pas seulement consacré à tout ce qui concerne les colonies,
considérées comme source de nouvelles et de faits curieux propres à amuser
les loisirs du lecteur, mais il se voue en entier aux intérêts politiques,
intellectuels, moraux et industriels des colons de l'une et l'autre
couleur[3].
Rien de ce qui concerne les colonies françaises particulièrement ne sera
omis dans cette publication mensuelle. Le gouvernement, l'administration, la
justice y seront examinés sous le double rapport de leurs actes et de leur
personnel ; car de celui-ci dépend trop souvent l'esprit et la tendance qui
oppriment les populations ou préparent leur bien-être.
Les droits civils, politiques et sociaux des deux classes libres, qui,
jusqu'à présent divisées, devraient être unies, y seront développés et
soutenus avec un zèle infatigable.
La grande question de l'abolition de l'esclavage, pierre fondamentale de la
liberté, y sera traitée avec le soin le plus consciencieux et l'amour le
plus ardent de l'égalité et du bien général[4].
L'arbitraire, la partialité y seront traduits sans aucune acception de
personnes devant le tribunal de l'opinion publique. Le faible y trouvera
appui et protection, l'oppresseur, châtiment, le fonctionnaire, bláme mérité
de ses actes illégaux, mais respect pour sa personne.
La Revue des ColoniesRevue des Colonies s'occupera aussi de tous les
changemens
changements
opérés ou projetés dans la législation qui régit les colonies
étrangères et qui doivent réagir d'une manière puissante sur les nôtres[5].
Les intérêts nationaux, par rapport à la possession d'AlgerAlger, trouveront dans la Revue des ColoniesRevue des Colonies
un organe dévoué et indépendant[6].
Des
regespondans
regespondants
nombreux et instruits assurent aux lecteurs autant de variété que
de savoir dans les articles de la Revue des Colonies.Revue des Colonies.
DÉCLARATION DE PRINCIPES.
La Revue des ColoniesRevue des Colonies croit devoir, avant tout, indiquer
d'après quels principes elle jugera les hommes et les choses.[7] Selon elle, 89, dans l'immortelle Déclaration des DroitsDéclaration des Droits que vota
l'Assemblée Nationalel'Assemblée Nationale, posa les bases à
venir de toutes les institutions vraiment démocratiques ; c'est pourquoi
nous inscrivons cette Déclaration en tête de ce recueil : ce
sont là les tables de notre loi.
Les Droits de l'Homme étaient méconnus, insultés depuis des
siècles ; ils ont été rétablis pour l'humanité entière dans cette
Déclaration, qui sera à jamais le cri de
ralliement contre les oppresseurs, et la loi des législateurs
eux-mêmes.
(Adresse de l'Assemblée Nationale l'Assemblée Nationale
aux Français, 11 février 1790)
Extrait
DES PROCES-VERBAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALEL'ASSEMBLÉE NATIONALE DES 20,
21, 22, 23, 24, 26 AOUT ET 1er OCTOBRE 1789.
DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME EN SOCIÉTÉ[8].
Les
représentans
représentants
du peuple français, constitués en Assemblée
NationaleAssemblée
Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le
mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics
et de la reguption des
gouvernemens
gouvernements
, ont résolu d'exposer dans une déclaration solennelle les
droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette
déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social,
leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les
actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à
chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en
soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées
désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours
au maintien de la constitution et au bonheur de tous.
En conséquence, l'Assemblée Nationalel'Assemblée Nationale reconnaît et
déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre-Suprême, les droits
suivans
suivants
de l'homme et du citoyen.
Article 1er.- Les hommes naissent et demeurent libres et
égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que
sur l'utilité commune.
2.- Le but de toute association politique est la conservation des droits
naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la
propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.
3.- Le principe de toute souveraineté réside
essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer
d'autorité qui n'en émane expressément.
4.- La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui
; ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que
celle qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces
mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
5.- La loi n'a le droit de défendre que les
actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi
ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle
n'ordonne pas.
5.-
6.-
La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les
citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs
representans
representants
à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux
sont également admissibles à toutes dignités, places, emplois publics,
selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus
et de leurs
talens
talents
.
7.- Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas
déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui
sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres
arbitraires doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi, en
vertu de la loi, doit obéir à l'instant ; il se rend coupable par la
résistance.
8.- La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment
nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et
promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée.
9.- Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de
l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de
sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.
10.- Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses,
pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par
la loi.
11.- La libre communication des pensées et des opinions est un des droits
les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire,
imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les
cas déterminés par la loi.
12.- La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force
publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et
non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est cofiée.
13.- Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses
d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit
être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs
facultés.
14.- Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par
leurs
représentans
représentants
la nécessité de la contribution publique, de la consentir
librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité,
l'assiette, le recouvrement et la durée.
15.- La société a le droit de demander compte à tout agent public de son
administration.
16.- Toute Société dans laquelle la garantie des droits n'est pas
assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
constitution.
17.- Les propriétés étant un droit inviolable et sacré,
nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique,
légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une
juste et préalable indemnité.
Extrait du procès-verbal de l'assemblée
nationalel'assemblée
nationale, du jeudi 1 octobre 1789. Collationné
conforme à l'original. Signé MOUNIER, président ; le vicomte DE
MIRABEAU, DEMEUNIER, BUREAU DE Pusy, l'évêque DE NANCY, FAYDEL,
l'abbé d'EYMAR, secrétaires.
Tous les principes de 89 sont dans cette déclaration ; et, quoi qu'on
fasse, il y a dans ces principes, que la révolution française, par ses
armées républicaines et impériales, a semés sur la terre
d'Europe, et par ses livres partout dans
l'univers, une virtualité qu'on ne parviendra pas à étouffer.
Certes, s'il est une connaissance bonne à rappeler à l'homme, c'est
celle de ses droits, que les aristocraties peuvent bien parvenir à faire
tomber en désuétude çà et là, mais auxquels l'avenir appartient.
Nous demandons qu'on compare l'état présent de notre législation avec
cette page de justice et de liberté, qu'on examine si les lois qu'on
nous fait sont conformes aux principes de cette déclaration, laquelle
doit être à jamais, selon la belle expression de l'Assemblée
Nationalel'Assemblée
Nationale, la loi des législateurs eux-mêmes.
Et si cet examen montre évidemment que le gouvernement, quel qu'il soit,
n'est pas fondé sur cette base, seule équitable, la mise en pratique des
droits de tous, ceux qui, comme nous et avec l'Assemblée
Nationalel'Assemblée
Nationale, seront convaincus que l'ignorance,
l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes
des malheurs publics et de la reguption des
gouvernemens
gouvernements
, en concluront victorieusement que tout le mal de
la situation présente, aux colonies comme partout, vient positivement de
cette ignorance, de cet oubli ou de ce mépris, nous ne savons
précisément lequel dire, tant de la part des
gouvernans
gouvernants
, au reste, que de celle des gouvernés.
Le directeur, BISSETTEBISSETTE.
COUP D'OEIL SUR LE RÉGIME COLONIAL ET SES EFFETS.
Tous les journaux ont retenti des déplorables
événemens
évènements
de la Grand'Anse[9], MartiniqueMartinique. Les uns, inspirés par le pouvoir, aux yeux
duquel tout ce qui est émancipation devient un objet de terreur, ont
présenté cette affaire sous un aspect défavorable à des hommes qui se sont
bornés à résister à l'oppression.[10] D'autres, plus
bienveillans
bienveillant
, plus impartiaux surtout, se sont bien gardés de porter un
jugement anticipé sur une affaire de cette nature : ils savaient que la
passion exagère le mal comme le bien, et qu'il ne faut point adopter avec précipitation les dires d'un parti puissant
et souvent injuste.
Nous aussi, nous allons nous en occuper, mais en la faisant précéder de
considérations propres à en déterminer la moralité.
Ces faits, qui nous semblent à peine croyables, se répètent chaque jour avec
impunité dans nos colonies. Et comment n'en serait-il pas ainsi, lorsque les
hommes chargés de maintenir les lois y sont le plus intéressés à les violer
! L'arbitraire n'y est donc que le triste corollaire d'un état de choses
dont l'origine remonte à une époque de conquête, de rapines et de brutales
violences. On sait que cet arbitraire existe ; la philosophie l'a flétri ;
le pouvoir lui-même semble repousser une honteuse solidarité, et cependant
rien de vrai n'a été fait pour le faire cesser. Tout a été déception et
mensonge, depuis les mesures illusoires contre le trafic des noirs jusqu'aux
lois qui semblent accorder aux hommes de couleur des droits de citoyens et
une justice qu'on ne pourrait sans mensonge représenter une balance à la
main.
Ces causes, qui, découlant du régime général des colonies, sembleraient
étrangères aux
événemens
évènements
de la Grand'Anse, dont nous nous occuperons plus spécialement[11], s'y rattachent néanmoins par une multitude de fils :
car, dans la destinée des peuples comme dans celle des hommes, rien n'est
isolé, et les effets actuels sont souvent produits par des causes qui se
perdent dans la nuit des temps.
Les colonies aussi, malgré leur éloignement de la mère-patrie, ont ressenti
les effets de la grande commotion politique qui a régénéré la
France. Un long ilotisme, largement exploité par
l'aristocratie, n'avait pu réussir à paralyser tellement les cœurs qu'ils ne
se sentissent réchauffés par les rayons du soleil de la liberté. Les hommes
de couleur surtout, plus avancés que les malheureux esclaves, tournaient les
yeux vers la France avec amour et confiance ; ils sentaient que chaque
chainon qui tombait des liens de la vieille Europe était pour eux un gage
d'affranchissement. La noblesse
blazonnée
blasonnée
, élevée au titre de peuple, offrait un haut enseignement à la
noblesse de la peau[12], qui n'avait même pas comme elle
le prestige des illustrations personnelles. La destruction de l'une était le
gage assuré de la destruction de l'autre. L'affranchissement du peuple, qui
avait gémi si long-temps sous l'empire de la
glèbe, n'était-il pas aussi pour les esclaves un présage de liberté ? Il y
avait donc aux colonies ce qui s'y trouve encore aujourd'hui, une absurde
aristocratie cramponnée à ses
priviléges
privilèges
et prête à commettre tous les excès pour les conserver, et d'un
autre côté une population pleine de sève, d'énergie, commençant à comprendre
ses droits et sa dignité.
Telle était donc la position des colonies lorsque la révolution de
juillet[13], si riche d'avenir, fit croire un moment
au réveil de la France. Le nouveau gouvernement, entraîné, malgré lui sans
doute, par la force des circonstances, n'osant pas soulever le voile qui
cachait ses arrières-pensées, se courbant enfin devant l'opinion publique
qui venait d'avoir quelque retentissement, effaça le mot
réglemens
réglements
de l'article de la charte concernant les colonies. Il
déclara qu'elles seraient régies par des lois particulières[14]. Cette reconnaissance tacite des abus de toutes
sortes, dont le régime des ordonnances est la source impure, fit concevoir
d'heureuses espérances aux hommes qui peuvent encore ajouter quelque foi à
des promesses de ministres. C'est qu'ils ne croyaient pas qu'un gouvernement
né de la démocratie pût si promptement oublier son origine ; ils ne
réfléchissaient pas que la conservation des titres de noblesse, d'une
soi-disant chambre haute, et surtout d'une liste civile exagérée étaient des
jalons posés par le pouvoir naissant pour se constituer sur des bases
analogues à celui que le bras populaire venait d'écraser. La conservation de
la noblesse titrée dans la mère-patrie[15], l'adjonction
qu'on lui faisait de l'aristocratie des Turcarets[16], ne disait-
il
elle
pas hautement aux colonies que, sauf quelques légères
modifications, on leur conserverait leur aristocratie de peau avec la plus
grande partie de ses
priviléges
privilèges
.
En effet les admirables lois particulières furent rendues
tellement illusoires qu'elles équivalent au bon plaisir des ordonnances[17], n'en différant que par l'hypocrisie du titre. Par
exemple, la loi électorale, établissant les droits politiques des blancs et
des hommes de couleur, n'est-elle pas une ceuvre de perfide déception ? A
l'île de Bourbonl'île de Bourbon et de CayenneCayenne, où les blancs sont en grande majorité,
le cens électoral et l'éligibilité sont fixés à un taux moins élevé, car il
n'y a point à craindre de concurrence ; mais dans les colonies de la
Guadeloupe Guadeloupe et de la MartiniqueMartinique, où la population de couleur, très
nombreuse, possède une fortune moyenne, on prend
la précaution d'élever le cens de manière qu'elle ne puisse y atteindre.
Est-il rien de plus perfide, je dirai même de plus odieusement ironique que
de concéder ainsi le droit en interdisant les moyens. N'eût-il pas été plus
vrai de déclarer franchement que les blancs seuls seraient électeurs[18]?
Il devenait difficile, en présence de cette loi d'organisation politique,
créant ou plutôt sanctionnant un
privilége
privilèges
, de donner quelques
développemens
développements
à la force populaire. La garde nationale, cette admirable
institution de la métropole, eut aux colonies une pâle imitation dont on eut
soin de bannir le nom et l'élément démocratique, l'élection.
Si la France a une garde nationale, les colonies ont une milice dont les
officiers, nommés par le gouverneur, sont pris généralement dans la
population blanche et parmi quelques hommes de couleur. Ceux-ci, pour
conserver un grade obtenu par la faveur, se devouent sans réflexion au
gouverneur et se font ses
complaisans
complaisants
. Nous nous hâtons de le dire, parmi les promotions qui ont été
faites, nous comptons des amis qui n'ont pas varié dans leurs opinions
politiques, mais il n'en est pas ainsi de tous. Quand le pouvoir se rend
odieux par sa partialité, il regompt toujours les hommes qui se font ses
tenans
tenants
. Quels liens peuvent en effet unir des hommes se trouvant dans une
aussi fausse position que la milice coloniale et ses chefs ? La confiance ?
elle n'existe pas. La fraternité ? on l'y chercherait vainement. Reste donc
la force, et elle est bien journalière.
Dans l'ordre judiciaire, les abus fourmillent, et toujours ils sont à
l'avantage de la classe aristocratique. Les cours royales et les tribunaux
de première instance sont constitués de manière à laisser les blancs devenir
juges et parties dans leur propre cause. Enfin, en dépit du texte même de la
charte, des cours prévôtales peuvent encore ensanglanter le sol
des colonies en assassinant juridiquement les
innocens
innocents
dont on veut se défaire.
Eh bien ! en présence de cet arbitraire sans bornes, appuyés sur leurs
nombreux
priviléges
privilèges
, les blancs font entendre des murmures, et se plaignent que le
gouvernement ait osé toucher à l'arche sainte de leur pouvoir, en diminuant
quelques-uns de leurs
priviléges
privilèges
. Les droits politiques, ils les possèdent tous ; la puissance
judiciaire se trouve entre leurs mains ; la force publique, ils la dirigent et la commandent ; mais ce n'est pas assez
au gré de leur orgueil blessé. Un principe, sans application il est vrai, a
été émis ; le mot égalité a été prononcé, n'était-ce pas suffisant pour
froisser ces cœurs égoïstes et durs pour lesquels tout homme indépendant qui
n'est pas de leur ligue n'est qu'un vil esclave révolté ? Les hommes de
couleur, au contraire,
confians
confiants
dans la bonne volonté dont le gouvernement avait donné quelques
faibles gages, attendaient avec patience des jours meilleurs en formant leur
éducation politique de manière à pouvoir saisir l'influence que leur
assurent dans leur patrie le bon droit et le nombre. Et que veulent-ils en
effet qui ne soit sage et raisonnable ? Placés dans leur pays dans la même
position que le tiers-état en France avant la révolution, ils demandent ce
que cet ordre exigeait alors : la liberté et l'égalité. Mais ils ont affaire
à des privilégiés plus tenaces encore que ne le furent la noblesse et le
clergé de France. Ceux-ci du moins n'avaient pas l'impudence de dénier le
titre d'hommes à leurs adversaires[19].
Quel était donc le moyen dont pouvaient se servir les privilégiés pour
reconquérir l'intégrité de leurs
priviléges
privilèges
? Les demander au gouvernement était chose impossible, on leur eût
répondu d'attendre tout du temps ; que l'on n'avait fait que céder à une
pénible nécessité ; que d'ailleurs les libertés accordées aux mulâtres
étaient purement illusoires, se bornant en réalité à quelques légères
concessions de sociabilité[20]. Et encore ces concessions
même fléchissent-elles souvent devant le bon plaisir de l'aristocratie.
Ces réponses, qui satisferaient des hommes moins
impatiens
impatients
, moins orgueilleux surtout, eussent blessé profondément ces
maîtres impérieux dont le despotisme s'exerce sans contrôle sur de
malheureux esclaves. Il fallait donc employer tous les moyens, la calomnie
même, pour asservir la classe de couleur et l'écraser[21].
II fallait la représenter comme factieuse, turbulente, ayant
juré de détruire les blancs et ne reculant pour y parvenir, ni devant
l'assassinat, ni devant l'incendie. Il est si facile de calomnier des hommes
auxquels on interdit la défense ! De trouver coupable l'ennemi que l'on juge
soi-même ! Et puis les colonies comptent aussi dans leur sein des hommes qui
savent créer des complots, les fomenter, les faire naître à propos, pour en
tirer avantage dans leur intérêt. Et qu'importe en effet que le sang
vil de quelques nègres vienne rougir le sol ! Qu'importe que la
tête d'un mulâtre roule sur l'échafaud !
Bagatelles que tout cela, quand on considère le glorieux résultat qu'on en
attend ; c'est-à-dire l'asservissement de la masse au profit du plus petit
nombre. D'ailleurs la métropole offre bien quelques exemples qui
sembleraient autoriser les colonies dans ce machiavélisme.
Alors nous avons vu naître ces complots imaginaires, ces incendies dont la
périodicité à certaines époques indique d'affreux mystères. Des
innocens
innocents
ont été accusés, jetés dans les cachots, torturés, fusillés sans
pitié lorsqu'ils se permettaient quelques plaintes. Ni le sexe ni l'âge ne
pouvaient attendrir ces hommes féroces qui se livrent envers leurs esclaves
à des
raffinemens
raffinements
de cruauté, et leur or, jeté à la tête des proconsuls de la grande
nation, cache à leurs yeux de larges taches de sang.
Ah ! si quelque jour une plume éloquente déchirant le voile funèbre qui
couvre nos colonies, retraçait l'histoire de la domination des possesseurs
d'hommes ; si elle évoquait du fond de leur tombeau les tristes victimes qui
chaque jour y sont entassées, jamais contrée souillée par la tyrannie
n'offrirait de pages aussi horribles[22]. Tout ce que nous
lisons des Mésence, des Caligula, des Louis XI[23], tout
ce que nos cœurs se refusent à croire comme trop dégradant pour l'humanité
se trouve surpassé au dix-neuvième siècle par des Français d'outre-mer. Mais
ces horribles scènes de despotisme n'ont point ici leur place, ailleurs nous
les révélerons en jetant les noms de leurs infâmes auteurs aux gémonies de
l'histoire.
AFFAIRE DE LA GRAND'ANSE
Pendant que le parquet de la Martiniquela Martinique
enfante laborieusement ce qu'il appelle l'insurrection de la Grand'Anse, l'attention du
gouvernement métropolitain est appelée sur ces déplorables
événemens
événements
par la plainte des principales victimes adressée au
conseil d'état
conseil d'État
. Les
plaignans
plaignants
sont, entre autres, les héritiers de l'infortuné
Lorville, qui tomba percé de sept
balles sous une décharge de mousqueterie commandée pour arrêter sa fuite ;
les héritiers de Fréjus, laissé pour mort
sous les coups d'un Lasserre et depuis décédé par suite
des violences exercées contre lui ; les héritiers de
Mauricetué avec sa femme, et sa fille assassinée par une fusillade exécutée sur
eux à travers leur case ; Joseph Albert,
déporté de 1823, blessé dans cette autre fusillade exécutée sur
les prisonniers de la purgerie Bonafon, à travers le
grillage des fenêtres, etc., etc.
Certes de pareilles victimes, immolées non dans un conflit, non dans une
lutte armée entre l'autorité et telle ou telle partie de la population, mais
assassinées dans leur prison, dans leur domicile après s'être rendues à
discrétion sur la foi de fallacieuses promesses ; de pareilles victimes
élevant la voix vers la mère-patrie semblaient mériter quelque intérêt de la
part du ministère.
De quelle douloureuse indignation ne seront pas saisis nos concitoyens des
colonies lorsqu'ils sauront l'accueil fait par M. le ministre de la marineM. le ministre de la marine, à la
requête au roiroi en son
conseil, pour avoir autorisation de poursuivre les auteurs ou fauteurs de
ces saturnales d'arbitraire et de sang ! Ce
ministre, à qui la requête a été communiquée,
selon l'usage, se borne à ces courtes et dédaigneuses observations : « Je
ne discuterai pas, dit-il, les faits, parce que la plupart des
plaignans
plaignants
ont compris dans le procès qui s'instruit à la Martiniquela Martinique. Le MoniteurLe Moniteur du 17 mars a
d'ailleurs donné une relation émanée du gouverneurgouverneur
(c'est-à-dire de celui que les
plaignans
plaignants
accusent) qui ne peut entrer en parallèle, sous le rapport de
la confiance qui lui est due, avec le récit d'individus compromis dans
l'accusation. »
Puis, sortant bientôt lui-même de son respect affecté pour la position des
accusés,
M. le ministre
M. le ministre termine sa lettre en
les traitant de factieux, ressassant par des phrases banales et
de commande ces lieux communs à l'ordre du jour : « Qu'il y aurait danger
à accueillir leurs récriminations à une époque où tant et
de si coupables tentatives sont dirigées contre la tranquillité
publique. Tel est l'avis du département de la marine sur le recours des
plaignans
plaignants
au
conseil-d'état
conseil-d'État
. Nous aimons à croire que cette haute juridiction suivra des
inspirations plus généreuses, plus équitables, plus amies de
l'humanité. »
Oui, sans doute, quelques-uns des
plaignans
plaignants
, c'est-à-dire trois, et non la plupart,
sont destinés à figurer dans le triste procès dont on donne à l'heure qu'il
est le spectacle à la MartiniqueMartinique ; mais les autres,
mais ceux qui sont morts désarmés, prisonniers, sous les balles des soldats,
ceux-là n'iront pas aux assises. Comment oppose-t-on de sang-froid à leurs femmes et à leurs
enfans
enfants
qui se plaignent, ce cruel déni de justice. Quel que soit
d'ailleurs le résultat du procès, quand il devrait justifier l'existence du
prétendu complot, pourra-t-il justifier jamais le gouvernement local du
massacre de conspirateurs dont on s'était rendu maître, qu'on avait désarmés
et qu'on tenait prisonniers, gardés à vue, investis de tous côtés par la
force publique ? pourra-t-il absoudre les autorités locales d'avoir laissé
tomber ces malheureuses victimes sous un plomb meurtrier.
On connaît aujourd'hui en France la
procédure instruite à raison des
événemens
événements
de la Grand'Anse. Nous avons sous les yeux
un exemplaire imprimé de l'arrêt de renvoi devant les assises, rendu par la
chambre des mises en accusation, contre 117 prévenus. Cette pièce constate
ce que nous venons d'avancer, que trois seulement de ceux qui ont adressé
requête au
conseil d'état
conseil-d'État
sont renvoyés aux assises de Saint-PierreSaint-Pierre.
Cet arrêt constate en outre authentiquement les faits énoncés dans la
requête, et que M. le ministre de la
marineM. le ministre de la
marine dédaigne de discuter, notamment
la fusillade exécutée par l'ordre exprès du capitaine commandant
sur Lorville et deux autres prisonniers fuyant avec
lui (pages 51 et 55 de l'arrêt de mise en accusation). Quant au
massacre de la famille Maurice, il est
avoué, bien qu'un peu dénaturé par ce même MoniteurMoniteur du
17 mars dont la sincérité paraît moins douteuse que celle
des
plaignans
plaignants
, mais duquel néanmoins M. le ministre a
retranché certains passages du rapport officiel du gouverneurgouverneur par trop maladroits. Des
faits aussi incontestables sont-ils indignes de la sollicitude du
gouvernement ? ne méritent-ils pas examen, enquête, discussion
contradictoire avec M. le
ministreM. le
ministre ? Il en est une foule d'autres spécifiés
également dans la requête, tous ceux qui dénoncent pour la centième fois à
la métropole l'oppression systématique des classes de couleur, les
provocations journalières dirigées contre elles, la dénégation persévérante
de tous leurs droits au mépris des lois qui les leur accordent, tous ceux
enfin qui donnent aux
événemens
événements
de la Grand'Anse une véritable couleur.
Mais qu'importe ! tous ces faits de haute importance politique et sociale
seront omis, dissimulés, déniés au besoin, et dans tous les cas excusés. Ce
qu'on montrera aux colonies, à la
France, dans les relations officielles et
authentiques, comme on sait, du MoniteurMoniteur, ce
sera cent dix- sept conspirateurs
comparaissant sous le poids d'une accusation de 300 pages, accusés tous de
complot, car il en faut bien un au gouvernement de la
Martiniquela
Martinique ; puis prévenus chacun en particulier d'avoir
pillé deux pots de tafia et deux pots de rhum chez
Seguinot ; ou chez
Desmadrelles, du savon, de la
chandelle, une étrille de cheval ; ou chez
Lereynerie, une bouteille de genièvre
(pages 85 et 86 d'arrêt de renvoi). Et tout cela imprimé par le gouvernement
de la colonie à 200 pages, intitulé pompeusement, par le plus ignorant des
magistrats, Insurrection de la Grand'
Anse.
Et la conspiration permanente contre les droits et la sécurité personnelle de
la population de couleur ! l'insurrection permanente des blancs contre les
lois de la métropole chaque jour audacieusement souffletées par ces
colons du nord de la colonie, tristement fameux par la
proscription en masse de 1823, par leur déclaration au
gouvernement qu'ils ne reconnaîtraient jamais pour leurs égaux des hommes de
couleur ! Que fait-on de ces complots chaque jour
renaissans
renaissants
, toujours impunis ?
Malheureuses colonies ! votre sort sera-t-il
long-tempslongtemps encore de montrer
inutilement vos plaies à la mère-patrie sans que nos incrédules
gouvernans
gouvernants
daignent au moins les sonder de leur doigt !
UN MOT SUR LE DISCOURS PRONONCÉ PAR M. ISAMBERT DANS LA SÉANCE DU 8 MAI
DERNIER.
Si l'expérience est la pierre de touche de toute législation, on ne saurait
disconvenir que la loi organique promulguée en 1833, pour les colonies, ne
soit essentiellement défectueuse ; car les résultats qu'elle a produits sont
détestables ; M. IsambertM. Isambert l'a surabondamment
démontré. La commission chargée de l'examen de cette loi reconnut
unanimement, à ce qu'il nous dit, qu'il était désirable que les hommes de
couleur fussent admis dans le conseil colonial. Eh bien ! à l'exception de
la
Guiane
Guyane
française
Guiane
Guyane
française, dans chacune de nos colonies et
notamment à la Martiniquela Martinique, la plus
importante de toutes, ce conseil a été exclusivement formé de colons blancs.
Ce vice radical de composition est un obstacle insurmon
table à l'introduction des réformes que réclame impérieusement la situation
de nos colonies. En preuve de cette assertion, M. Isambert cite un fait qui
vaut bien la peine d'être reproduit : le gouverneur de la Martinique
présenta au conseil colonial divers projets d'ordonnances royales concernant
la réorganisation des milices, la forme et les conditions des
affranchissemens
affranchissements
, sur les avis à donner relativement à l'organisation municipale et
judiciaire, etc. Voici en quels termes le conseil répondit : « Le conseil
colonial rend hommage à la pensée du gouvernement du roi, mais souvent
les mesures prises pour arriver à ce but, loin de l'atteindre,
entraînent à des résultats désastreux. Nous allons nous occuper
immédiatement du budget de 1834. » Franchement,
n'est-ce pas là repousser du pied les propositions du gouverneur ? N'est-ce
pas lui déclarer que ses propositions ne méritent même pas les honneurs
d'une prise en considération ? Aussi, sans s'y arrêter une seconde, le
conseil passera immédiatement à l'examen du budget. Ce tour de leste dédain
et de rondeur ne peint-il pas parfaitement la morgue aristocratique de nos
très hauts et très
puissans
puissants
maîtres par droit de blancheur ?
En regard de cette impertinente réponse, l'honorable député a mis les
généreuses paroles par lesquelles le conseil colonial de la
GuianeGuyane française a, non seulement promis
son concours à tous les projets d'amélioration que lui a présentés le
gouverneur, mais s'est même engagé à prendre sur beaucoup de points
l'initiative des réformes. Pourquoi l'accueil que ces propositions ont
rencontré dans l'une de ces colonies est-il si différent de celui qu'elles
ont reçu dans l'autre ? C'est que la loi de 1833 a été encore plus
parcimonieuse du droit de suffrage envers les hommes de couleur de la
Martinique et de la Guadeloupe Guadeloupe , qu'envers
ceux qui habitent à la GuianeGuyane française.
« Il n'en serait pas ainsi, dit M. Isambert, si quelques hommes de
couleur (je dis quelques car je n'ai pas la prétention de
vouloir que les classes, qui sont restées jusqu'à présent dans un
ilotisme complet aient le même avantage que la classe des créoles) ;
mais enfin, si quelques hommes de couleur étaient admis
dans le conseil colonial. » On voit que l'illustre jurisconsulte se
montre ici de bonne composition, et qu'il fait par trop beau jeu à
l'aristocratie coloniale ; aussi notre devoir est-il de protester contre
une
concession qui n'irait pas à moins qu'à consacrer le maintien du privilège et
un attentat au grand principe de l'égalité.
Nous regretterions que l'on vit dans ces paroles l'ombre même d'un reproche ;
nous savons trop bien tout ce qu'il y a chez M. Isambert de probité
consciencieuse et d'amour de la justice, pour trouver, dans cet écart d'un
principe, autre chose qu'un oubli d'un moment. Au surplus, les instincts
généreux de M. Isambert ne tardent pas à le ramener au droit commun.
Quelques lignes plus bas, il s'élève en effet contre la partialité du
système électoral qui, sur dix électeurs, n'en admet qu'un seul de couleur,
quoique la population de cette classe soit triple de celle des blancs ; ce
qui, évidemment, ferme à tout homme de couleur l'accès du conseil colonial.
Sur ce point, il est indispensable d'en revenir au principe proclamé par
l'assemblée constituante, qui conférait le droit d'élection à tout homme
libre, âgé de vingt-cinq ans révolus, propriétaire d'immeubles, ou domicilié
dans la commune depuis deux ans et payant une contribution.
Une partie du discours que nous examinons est consacrée à faire ressortir les
vices monstrueux qui fourmillent dans l'organisation judiciaire de la
Martinique, et surtout de la justice criminelle. Là on dirait que tout a été
combiné pour priver les malheureux justiciables de toute chance
d'acquittement. Ainsi, une cour d'assises se compose de trois conseillers de
la cour royale et de quatre membres du collège des assesseurs, institution
qui offre un reflet du jury. Les uns et les autres sont pris exclusivement
dans la classe blanche. Les quatre assesseurs sont tirés au sort sur une
liste de trente membres, mais cette liste est encore réduite par les
maladies, par les absences ou par toutes autres causes d'empêchement, à
vingt hommes par assises ; la décision se forme de la majorité des voix de
cette sorte de jury réunies à celle de la cour, composée de trois juges. De
manière qu'en supposant unanimité de la cour et du jury, l'arrêt est rendu à
un nombre de voix inférieur à celui qui est exigé du jury en France ; ainsi
quatre voix suffisent dans les colonies pour faire tomber une tête, tandis
qu'en France il en faut huit pour une condamnation criminelle, et que la loi
anglaise, encore plus humaine, exige l'unanimité du jury pour toutes sortes
de condamnations.
Que si vous ajoutez à tout cela qu'aux colonies les hommes de
couleur sont sans cesse en rivalité avec les blancs, que les haines qui les
divisent, violentes et envenimées, produisent souvent des querelles que l'on
traduit en complots, n'en conclurez-vous pas que le glaive de la justice
remis aux seules mains du créole devient inévitablement un instrument de
vengeance et de cruauté ? Que c'est livrer les hommes de couleur à la
discrétion de leurs ennemis, et que maintenir plus
long-tempslongtemps un tel état de choses, ce
serait montrer une barbare indifférence pour la vie humaine et un odieux
mépris pour les saintes lois de la justice. Une réorganisation judiciaire
est d'autant plus urgente que, par suite des tristes événemens de la
Grand'Anse, cent dix-sept personnes se trouvent en ce moment placées sous le
poids d'une accusation capitale.
NÉCESSITÉ DE L'INSTRUCTION AUX COLONIES
Les hommes de couleur ont dû aux progrès de l'opinion publi que des
améliorations dans leur condition. Ils ont enfin obtenu depuis 1830 ces
droits politiques qui leur ont été si
long-tempslongtemps refusés par des hommes
intéressés encore à maintenir leur avilissement. Les distinctions
humiliantes qui irritaient si justement leur amour propre blessé, et les
privaient de l'exercice d'un droit naturel, ont enfin disparu. Ils font
aujourd'hui, sans restriction, partie de la grande famille française. Ils
sont citoyens français, ou aptes à le devenir. Qu'ils s'énorgueillissent à
bon droit de cette qualification, qui les fait asseoir au milieu du peuple
souverain avec leur part de sa souveraineté ; mais qu'ils sachent aussi que
ce bienfait de la civilisation est venu leur imposer de nouveaux devoirs,
dont l'accomplissement est indispensable pour se maintenir au rang élevé
qu'ils ont obtenu du triomphe de la liberté.
C'est à la science que la civilisation a dû sa marche triomphale à travers
les préjugés entassés par les siècles : ou plutôt, la civilisation n'a été
elle-même que la conquête de la science. C'est là le plus noble résultat
dont puisse s'enorgueillir l'esprit humain, et la liberté, fille de la
civilisation, n'a pu avoir d'autre origine que sa mère. Science,
civilisation, liberté, sont donc des regélatifs inséparables, qui se
supposent, s'appellent l'un l'autre et qui ne peuvent pas avoir d'existence
séparée.
Ce serait donc avoir une bien fausse idée de la liberté que de croire qu'elle
pût s'établir avec des chances de stabilité dans un pays qu'habitent des
hommes ennemis de l'instruction, ou du moins
indifférensindifférents pour elle. C'est un air
méphitique pour la liberté que celui que l'on respire dans le séjour de
l'ignorance, des préjugés et des honteuses passions. La liberté ne veut pour
adorateur que des hommes à idées généreuses, aux
sentimenssentiments élevés, qui par l'étude
puissent apprécier ses bienfaits, lui offrir un culte pur, digne d'elle, et
la défendre contre les attaques de ses ennemis.
Les hommes de couleur doivent donc renoncer à conserver l'indépendance dont
ils sont fiers aujourd'hui, et à l'espoir d'acquérir quelque influence dans
les affaires de leur pays, s'ils ne répandent pas l'instruction parmi eux,
et si un vil et désastreux égoïsme les empêche de faire les sacrifices
nécessaires à l'éducation, en France, de leurs
enfansenfants. Aujourd'hui plus que jamais ils
doivent sentir ce besoin : le conseil colonial de la
Martiniquela
Martinique ne vient-il pas, dans sa première session, de
supprimer les écoles mutuelles, créées par M.
d'ArgoutM.
d'Argout pendant son ministère à la marine.
Dans l'état actuel des choses aux colonies, l'émancipation politique des
hommes de couleur, et leur admission dans la grande famille française,
doivent être sans doute un sujet de joie pour chacun d'eux, mais quelle
source d'humiliation n'y trouvent pas le plus grand nombre lorsque dans
l'exercice de leurs nouveaux droits ils sont placés en contact d'hommes
versés dans les affaires et possédant des connaissances spéciales et
variées.
L'éducation des femmes est encore plus arriérée que celle des hommes. Un
mutisme déplorable, quand elles se trouvent en société, dépare leurs charmes
et ôte à leurs attraits ce qu'ils auraient de plus piquant.
N'allez pas les mettre à côté d'une de ces Parisiennes dont la conversation
est si animée, si agréable, si séduisante. Cependant la nature n'a pas été
plus avare pour les
enfans
enfants
des colonies que pour ceux de la France : qu'on donne aux jeunes
personnes des colonies la même éducation, et bientôt les richesses d'une
imagination ardente seront mises au jour. On les verra briller et plaire,
comme nos spirituelles Françaises, par la variété de leur conversation et
l'inexprimable charme de leurs réparties.
Nous adjurons les hommes de couleur de ne pas accuser notrecritique d'un excès de sévérité. C'est une voix amie qui
leur parle. Qu'ils suivent les conseils d'hommes qui combattent sans cesse
pour le triomphe de leur cause, et qui craignent de voir leur émancipation
incomplète ou même sans résultat utile. Si les hommes de couleur ne savent
pas sortir de l'état de torpeur où ils languissent, qu'ils tremblent dans
leur apathique ignorance. Les anneaux de leurs chaînes sont épars et brisés,
il est vrai, mais une main ambitieuse et hardie peut les réunir de nouveau.
Un gouverneur de la trempe des FreycinetFreycinet et
des DonzelotDonzelot, peut leur faire perdre tout
leur avantage. Un procureur-général de la capacité des RICHARD LUCYRICHARD LUCY, peut annihiler les concessions les mieux
établies. Qu'ils consultent les
événemens
événements
; ils sont loin de leur offrir une pleine sécurité.
Leur liberté ne sera stable, inattaquable, et leur qualité de citoyen
français définitivement acquise que lorsque leurs
enfans
enfants
viendront en grand nombre dans nos
colléges
collèges
, et entreront dans les diverses branches de l'administration.
Nous n'aurons confiance dans leur avenir que lorsque nous les verrons
fournir à nos écoles PolytechniquePolytechnique, de Saint-CyrSaint-Cyr, de Médecine, de Droit, de Commerce et
de Marine bon nombre d'élèves. C'est alors, alors seulement qu'ils pourront
acquérir l'influence et la considération locale dont ils sont si jaloux, et
opérer cette fusion dont ils sont encore si éloignés.
Comme c'est ici une question vitale et sur laquelle nous ne saurions trop
appeler l'attention de nos amis des colonies, nous ferons une série
d'articles sur le même sujet, et nous proposerons le plan à suivre pour
réaliser notre projet d'instruction, et pour neutraliser en même temps les
efforts de l'aristocratie coloniale, qui tend à priver les masses
d'instruction afin de les mieux exploiter.
QUESTION ÉLECTORALE.
Une question neuve, en matière électorale, vient de se présenter dans les
colonies, celle de savoir si une femme non mariée peut déléguer ses
contributions à son fils naturel légalement reconnu.
Le directeur général de l'intérieur à la MartiniqueMartinique, faisant fonctions de
préfet, a refusé de reconnaître cette délégation par le motif suivant
:« Confier à la femme non mariée le droit de déléguer serait
donner une extension arbitraire à une disposition déjà de sa nature
essentiellement exceptionnelle.
Avons décidé et décidons ce qui suit : Le sieur
Sugnin (Philippe-Simon-Eudoxie)sieur
Sugnin (Philippe-Simon-Eudoxie) ne peut en l'état
être inscrit sur la liste électorale du 4
collége
collège
. Au Fort-RoyalFort-Royal
(MartiniqueMartinique), 19 avril 1833.
Signé
vicomte ROSILYvicomte ROSILY. »
Le citoyen que cet arrêté concerne a négligé d'en demander la réformation à
la cour royale dans les dix jours de sa notification, conformément à la
loi.
Comme la question peut se présenter fréquemment dans les colonies, où il
existe un nombre considérable de femmes non mariées ayant des
enfans
enfants
naturels reconnus, nous ferons contre cet arrêté les observations
que l'esprit de la loi nous suggère.
L'argument sur lequel est fondé la décision que nous attaquons est celui
qu'on nous opposait sous la restauration, quand nous soutenions, sous
l'empire de la loi du 5 février 1817, que la faculté de
déléguer appartenait à la femme divorcée et à la femme séparée de corps, et
en faveur des petits-gendres comme des gendres.
Que répondait le conseil-d'étatconseil-d'état, dominé qu'il
était par le système du gouvernement d'alors, qui était de restreindre
plutôt que d'étendre l'exercice des droits politiques ?
Il répondait, sur une requête par nous présentée au nom de M. ArouxM. Aroux, maintenant député (11 février
1824), « que ce serait donner une extension arbitraire à une
disposition exceptionnelle que d'étendre au petit-gendre une faculté que
la loi avait limitée au gendre. » La loi de 1831 a fait
justice de cette chicane.
La loi de 1817 ne parlait pas de la mère adoptive ;
cependant, par un arrêt du 9 septembre 1830, la cour royale de Nancycour royale de Nancy a jugé qu'elle avait le droit
de déléguer.
Depuis, et bien que le divorce ne soit pas rétabli, la chambre des députéschambre des députés n'a fait aucune difficulté d'admettre, en
1831, sur notre proposition, la femme divorcée, comme la
femme séparée de corps, à la faculté de la délégation.
La femme non mariée, qui ne peut exercer par elle-même les droits politiques
attachés à la possession de la propriété, n'est-elle pas absolument dans la
même position sociale que la femme divorcée et la femme séparée de corps
?
En France, où les mœurs sont bien plus sévères qu'aux
colonies, on pourrait considérer la décision de M. le
vicomte de RosilyM. le
vicomte de Rosily comme un hommage rendu aux bonnes
mœurs.
Mais il n'a pas voulu mettre ce motif dans son arrêté ; c'eût été une censure
d'une habitude invétérée dans les colonies et que des magistrats, tels que
M. DessallesM. Dessalles, dans les annales de la
MartiniqueMartinique, ont soutenu être justifiée par
l'ardeur du climat.
Nous pensons qu'indépendamment de cette considération, il y en a une autre
plus puissante. Le nombre des électeurs est infini ment restreint dans les
colonies, surtout dans la classe de couleur. Loin qu'il existe un motif
politique de restreindre l'exercice des droits créés par la loi de
1833, en faveur des citoyens de cette classe qui
présenteraient les garanties désirables de propriété, le vœu le plus
énergique a été exprimé pour leur extension par les commissaires du roi et
par les défenseurs de la loi, tant au sein de la commission dont nous
faisions partie, qu'au sein de la chambre et au
dehors.
La décision dont il s'agit est donc contraire à l'esprit de la loi, à
l'esprit de toute législation électorale, qui dans le doute ne veut pas
qu'on restreigne le droit, mais qu'on l'étende.
ParisParis, 2 juillet 1834. ISAMBERTISAMBERT.
Favores ampliandae. Rien n'est plus favorable
que le droit électoral. Le principe de la délégation est l'espèce d'identité
que la nature et la loi établissent entre la mère et ses
enfans
enfants
, una et eadem persona. Si le
texte de la loi spécifie la veuve et la femme séparée, ce qui suppose le
mariage, c'est qu'elle se réfère au cas le plus commun, mais la loi est en
cela indicative et non restrictive. ODILON-BARROT.ODILON-BARROT.
POURVOI D'UN PATRONÉ.
Il s'est présenté devant la cour de cassationcour de cassation une
question grave en matière d'esclavage.
Deux jeunes gens étaient condamnés par la cour d'assises de la
Guiane
Guyane
française
Guiane
Guyane
française, conjointement avec un homme de couleur
libre qui ne s'est pas pourvu en cassation. Ses deux co-accusés étaient
considérés comme esclaves dans toute la procédure ; mais l'un d'eux, Cyprien JacquardCyprien Jacquard, articulait qu'il était en état de
manumission, parce qu'il avait été légué par son maître à sa mère émancipée,
afin de lui procurer avec d'autres
enfans
enfants
des moyens d'existence.
Lorsque cette affaire se présenta pour la première fois, la cour de cassationcour de cassation fut frappée de ce qu'il y aurait d'odieux à
considérer comme esclave de sa mère un enfant que celle-ci pourrait vendre ; il
pourrait arriver qu'une mère fût léguée par un maître à son propre fils, et que
celui-ci fût aussi dans le cas de l'aliéner. Un tel renversement des lois de la
nature serait-il consacré par la législation coloniale !
La cour, par un arrêt du 10 janvier 1834, ordonna que les faits
seraient vérifiés avant qu'il fut statué sur le pourvoi.
Des informations prises en exécution de cet arrêt, il résulte que la mère de
JacquardJacquard, en obtenant la liberté de son
maître, avait reçu en legs les
enfans
enfants
qu'elle avait eus de lui, ainsi que sa mère à elle. Postérieurement à
la condamnation de Jacquard, cette femme a fait chez l'officier de l'état civil
les déclarations prescrites par l'ordonnance du 12 juillet 1832,
pour obtenir l'acte d'affranchissement de son fils.
Dans cet état de choses, le procureur-général de la colonie soutenait que
Jacquard, demandeur en cassation, étant encore esclave au moment du crime à lui
imputé et de sa condamnation, n'était pas recevable à se pourvoir en cassation,
parce que l'ordonnance coloniale du 20 juillet 1828, article 9, à
laquelle n'aurait pas dérogé le code d'instruction criminelle promulgué depuis,
interdit ce pourvoi aux esclaves.
A l'audience du 26 juin, M. le conseiller
DehaussyM. le conseiller
Dehaussy a fait le rapport de cette affaire, et, sans examiner
les moyens du pourvoi, ila traité de la fin de
non-recevoir, c'est-à-dire de l'état d'esclavage dans lequel se trouvaient les
demandeurs.
Ce magistrat n'a pas dissimulé combien cet état de choses était affligeant et
combien il était à désirer que l'esclavage fut déclaré incompatible avec des
relations de parenté aussi intimes. Il a annoncé que, par sa dépêche, le
procureur-général donnait l'assurance qu'un projet de loi relatif à cette
incompatibilité serait proposé dans la session du conseil colonial. Mais il
n'avait pas trouvé de texte de loi en vertu de laquelle la cour de cassation pût
relever le jeune Jacquard de l'état d'esclavage où il se trouvait.
M. ParantM. Parant, avocat-général, a conclu dans ce
sens, en invoquant contre le demandeur l'aveu qu'il avait fait dans son
interrogatoire et les démarches faites par sa propre mère pour lui procurer son
émancipation.
L'aveu consigné dans son interrogatoire se réduit à ceci :
« Je m'appelle Cyprien dit Jacquard ; je suis âgé de seize ans, de caste de
couleur ; je suis charpentier de profession ; j'appartiens à ma
mère, chez laquelle je demeure à CayenneCayenne,
où je suis né. »
La cour, par un arrêt du 26 juin, est partie de ce point de fait et
a déclaré qu'il n'y avait pas lieu d'examiner le mérite du pourvoi.
Cette cour nous semblait avoir mieux compris sa haute mission lors de la
discussion de l'affaire du patroné LouisyLouisy.
Elle avait considéré que la liberté est le droit ; que l'esclavage doit être
renfermé dans les strictes limites que la loi lui a
assuré
assurées
, et qu'on ne devait pas traiter en esclave celui qui de fait a cessé
de l'être. En conséquence et malgré les ordonnances coloniales, qui obligeaient
les patronés, à peine d'être déclarés et vendus comme esclaves au profit du
domaine colonial, à produire leurs titres de liberté, la cour, ne s'attachant
qu'à la loi et au fait de liberté, a déclaré Louisy recevable en son
pourvoi.
Cet arrêt a été accueilli comme un monument de la haute sagesse et de la sage
philantropie
philanthropie
de la cour, et a été cité avec éloge à ses audiences de rentrée.
N'était-ce pas le cas de rendre un arrêt semblable ? Ni dans la législation
romaine ni dans le code noircode noir
(édit de 1689), on ne trouve cette immoralité consacrée, qu'un père ouqu'une mère peut devenir, n'importe comment, la propriété de
son enfant : car avec cette doctrine, on serait obligé de souffrir qu'ils les
vendissent au marché et touchassent le prix des auteurs de leurs jours. Les
Romains abolirent aussi la loi ancienne qui donnait au père le droit de vie et
de mort sur tous les membres de sa famille.
Le code noir prévoit plusieurs cas où la liberté résulte de plein droit d'un état
inconciliable avec l'esclavage ; c'est, entre autres, celui où un maître a
institué un esclave pour son exécuteur testamentaire ou pour tuteur de ses
enfans
enfants
.
Comment concilier l'état de fils avec celui d'esclave de sa mère ? Un fils, par
le droit naturel et par le code civil publié aux colonies, est tenu de devoirs
tous
différens
différents
de ceux d'un esclave envers sa mère.
La mère est tenue aussi, envers son enfant, à des devoirs particuliers. Si cet
enfant tombe dans l'impuissance de pourvoir à sa subsistance, ne doit-elle pas
le nourrir ?
Il est fâcheux que la cour de cassationcour de cassation ait laissé cette grave
question sans la résoudre et ne se soit attachée qu'au fait apparent. En jugeant
ainsi, n'aurait-elle pas violé l'article 7 de l'ordonnance de 1832, qui assure
aux libres de fait le bénéfice du recours en cassation ?
Le jeune Cyprien JacquardCyprien Jacquard, en déclarant qu'il appartenait à
sa mère, ne prouvait-il pas, par cela seul, qu'il n'avait pas de maître, et
qu'il n'y avait entre lui et sa mère que le lien naturel et civil ?
TRAITS DE CRUAUTÉ.
Ce serait une longue histoire que de raconter les actes de révoltante barbarie
auxquels certains possesseurs d'hommes de nos colonies se livrent envers les
malheureux esclaves. Chaque jour, déchirés par le fouet du commandeur, privés de
leur grossière nourriture, ils expirent lentement dans un supplice de tous les
instans
instants
; l'avarice seule et jamais l'humanité retient quelquefois cesmaîtres cruels, qui craignent par la mort d'un
esclave de perdre un prix vénal. Mais lorsque l'esclave, infirme ou vieux, ne
peut plus rendre les mêmes services, lorsque son gain présumé sur l'habitation
ne dépasse pas les frais qu'il occasionne, oh alors ! nulle considération ne
peut plus retenir ; et ainsi qu'on brise un vieux meuble hors de service, de
même on fait périr sans pitié l'homme que jeune encore on arracha à sa
famille.
Quelquefois un caprice, une sorte de recrudescence de barbarie saisit un maître,
et quelque préjudice que dût lui apporter une atroce satisfaction, il fait
immoler un homme, son semblable, son égal enfin. Ces actes de froide cruauté
sont tellement éloignés de nos mœurs, que nous, qui sommes nés aux colonies,
nous ne pouvons les comprendre ; souvent même un honorable scepticisme nous
tient en garde contre les récits de nos regespondants. Plat à Dieu que tous
fussent mensongers ! nous serions les premiers à les proclamer, et nos cœurs ne
seraient pas oppressés par de douloureuses impressions.
Voici deux nouveaux faits à consigner dans cette longue énumération de crimes qui
forme l'histoire coloniale. Nous y voyons non seulement un colon commettre un
meurtre affreux, mais un autre qui l'ordonne à ses esclaves, démoralisant ainsi
ces malheureux, qui ne pouvaient sous peine de vie ne pas exécuter l'ordre
qu'ils recevaient.
À la MartiniqueMartinique, un propriétaire de
la commune de La Rivière Pilote, croyant probablement
qu'il avait à se plaindre de son esclave Gabriel, fit venir
près de lui, le 16 avril, six nègres de son atelier, et leur
ordonna de lui apporter la tête de Gabriel. Les nègres promirent obéissance.
Gabriel, officieusement informé des intentions de son maître, fut le trouver et
lui proposa 3,535 francs pour son rachat. Le maître répondit qu'il y songerait.
Quoique cette réponse ne fût rien moins que satisfaisante, le malheureux Gabriel
s'occupa de réaliser ses fonds, et se rendit au bourg du Marin pour y vendre sa
farine. Comme il s'en retournait, les six nègres embusqués se jetèrent sur lui,
le conduisirent sur la sucrerie ; puis, l'ayant attaché à un calebassier, ils
lui donnèrent la mort. Un des exécuteurs se rendit alors auprès du propriétaire,
qui, ayant entendu le récit de l'assassinat, se contenta de répondre froidement
: « C'est bon » .
Cependant ce propriétaire s'étant rendu au lieu où gisait le cadavre mutilé de
Gabriel, ne put soutenir longtemps cet affreux spectacle : il se retira, et
secondé par son gérant de sucrerie, il fit courir le bruit que Gabriel avait été
tué par un mulet. Il en fit prévenir le commissaire commandant de la commune ;
mais la rumeur publique l'avait devancé, et le commandant vint avec le juge de
paix et deux médecins faire l'autopsie du cadavre. On reconnut alors le genre de
mort, et entre autres plaies, un coup de feu à la mâchoire inférieure.
Procès-verbal ayant été dressé, a été déposé au Fort-RoyalFort-Royal.
Dans la même colonie, commune de Macouba, un riche
propriétaire est accusé par la vindicte publique de faire mourir ses esclaves.
Le procureur du roi se rend sur la propriété et y trouve une malheureuse femme
étendue sans vie. Le maitre l'avait cruellement fustigée, et elle avait expiré
sous les coups de fouet. Afin de s'assurer si le cadavre était encore animé, ce
maître cruel poussa la barbarie jusqu'à percer d'un fer chaud le ventre de sa
victime. La justice informe sur cette affaire ; mais le colon prévenu du crime
est en fuite. Le nouveau gouverneur, M. HalganM. Halgan,
s'est empressé de faire parvenir au ministère de la marine les détails de cet
acte de monstruosité coloniale.
Il faut espérer que, dans l'intérêt de la justice et de l'humanité, de pareils
forfaits ne resteront pas impunis. Il y va de l'honneur du gouvernement et du
salut de la colonie ; car là où cesse le règne de la justice naît le droit de la
force et de la violence.
FRANCE.
PARIS.
CONVOCATION DES CHAMBRES.
L'ordonnance suivante est publiée par le MoniteurMoniteur du 1 juillet, avec la date du
30 juin et le contre-seing de M.
ThiersM.
Thiers :
« Art. 1. La disposition de notre ordonnance du 25 mai dernier, qui
convoque la chambre des pairs et la chambre des députés pour le 20
août 1834, est rapportée.Art. 2. La
chambre des pairs et la chambre des députés sont convoquées pour le 31
juillet prochain. »
Le MoniteurMoniteur publie à la suite, mais dans la partie
non officielle, la communication suivante, qui explique la portée de cette
mesure :
« La réunion des chambres devait avoir lieu le 20 août prochain.
Elle est rapprochée et fixée, par ordonnance de ce jour, au 31
juillet. Le roi, qui se rend au mois d'août dans les provinces
méridionales qu'il n'a point encore visitées, n'a pas voulu être absent au
moment de la réunion des chambres. Au surplus, cette réunion n'a pas son
importance ordinaire : c'est pour l'exécution de l'article 42 de la charte
que les chambres sont convoquées. Mais le gouvernement ne peut ni ne doit
faire commencer leurs travaux à cette époque : aucun projet de loi, aucun
budget ne pourrait être prêts. D'ailleurs nos habitudes parlementaires
fixent le temps des travaux des chambres entre les mois de décembre et de
mai, pendant la saison d'hiver. Les commencer au milieu de l'été serait une
fâcheuse dérogation à des habitudes établies. Trois cents députés de
l'ancienne chambre, faisant partie de la nouvelle, ont déjà passé à Paris
cinq mois de cette année et pourraient difficilement y revenir au mois de
juillet. Il est donc convenable de remettre les travaux à l'époque
accoutumée. En conséquence, après avoir réuni les chambres au 31
juillet et les avoir mises en séance, le roi, usant du droit de
prorogation, les prorogera à la fin de l'année pour commencer à cette époque
les
importans
importants
travaux de la nouvelle législature. »
En prorogeant les chambres avant qu'elles ne soient constituées, ce serait un
nouvel attentat à ajouter à tous ceux dont nous sommes journellement témoins.
Les chambres ne peuvent pas être prorogées avant que les nouveaux pouvoirs des
députés ne soient vérifiés. Si cette violation de la charte avait lieu, nous
reviendrions sur ce sujet.
NOUVELLES ÉLECTORALES.
Nous croyons devoir faire connaître les élections de députés à la nouvelle
législature, qui se sont de tout temps intéressés particulièrement à la question
des colonies.
M. DELABORDEM. DELABORDE a été nommé à
ParisParis et à Étampes (Seine-etOise) ; sans doute on pourrait désirer chez
cet honorable député un peu plus de sévérité pour les conseillers de la
couronne. Quoi qu'il en soit, nous n'hésiterons jamais à reconnaître à M.
Delaborde des intentions pures, et nous sommes bien certains que la cause des
hommes de couleur trouvera toujours en lui appui et protection.
M. DE TRACYM. DE TRACY a été nommé par deux
arrondissemens
arrondissements
électoraux de l'Allier. Ce choix honore encore plus les
commettans
commettants
que le mandataire. M. de Tracy est l'avocat de toutes les nobles
causes, et, à ce titre, l'organe le plus vrai, le plus éloquent des opprimés de
nos colonies.
M. ISAMBERTM. ISAMBERT a été réélu dans la Vendée
Luçon. Nous félicitons les électeurs de Luçon d'avoir renouvelé
le mandat du courageux défenseur des déportés de la MartiniqueMartinique, d'un homme aussi probe qu'éclairé, qui ne laisse
jamais passer une injustice sans la flétrir, et qui n'a jamais fait défaut à la
sainte cause de l'humanité.
M. GAETAN DE LA ROCHEFOUCAULDM. GAETAN DE LA ROCHEFOUCAULD a été nommé dans le
département du Cher. Nous ne pouvons qu'applaudir à un
choix qui renvoie à la chambre un des champions les plus zélés de l'abolition de
l'esclavage.
Parmi les pertes les plus regrettables pour les hommes de couleur que nous avons
à signaler dans les dernières élections, nous devons nommer en première ligne
M. Eusèbe SalverteM. Eusèbe Salverte.
Dans le 5e arrondissement électoral de Paris, M. Thiers M. Thiers l'a emporté sur cet honorable citoyen. C'est
la victoire de l'intrigue sur l'austérité patriotique personnifiée dans la
personne de M. Salverte. M. le ministre de l'intérieur est le pâle reflet de
M. de TalleyrandM. de Talleyrand, ce type et doyen des
roués politiques, comme M. Salverte nous offre la pure et vivante image du
vertueux CarnotCarnot.
MM. CharamauleMM. Charamaule et MérilhouMérilhou n'ont pas été non plus réélus. Espérons que les
réélections qui auront lieu par suite des doubles nominations répareront cette
perte ou plutôt cette injustice.
NOUVELLES DIVERSES.
« L'article suivant, publié par le MoniteurMoniteur du 2 juillet, est sans
doute une réponse indirecte aux nouvelles données sur l'état de la
colonie de la MartiniqueMartinique.
M. le vice-amiral Halgan, gouverneur de la
MartiniqueM. le vice-amiral Halgan, gouverneur de la
Martinique, a rendu compte au ministre de la Marine, par
un rapport du 21 mai dernier, d'une tournée qu'il venait de
faire dans plusieurs communes de la colonie.
On remarque dans ce rapport les passages
suivans
suivants
:
« Je suis heureux de pouvoir vous rendre compte que la population
est parfaitement calme sur tous les points que j'ai visités, et
que chacun s'occupe de mettre à profit une année favorable à la
récolte.
J’ai porté un examen sérieux sur le régime intérieur des
habitations, sur les
traitemens
traitements
qu'éprouvent les esclaves de la part des maîtres ;
l'administration m'a paru généralement paternelle et sage. Les
châtimens
châtiments
tombent en désuétude, et j'ai reconnu sur la plus
grande partie des propriétés où je me suis arrêté, que les
maîtres avaient l'affection de leurs esclaves, qui, sans
inquiétude pour l'avenir, sont
contens
contents
du présent, attachés à leurs cases, au petit bien-être
dont ils jouissent, et se livrent volontairement à des travaux
qui n'excèdent point leurs forces physiques. »
Ainsi, le témoignage de M. le vice-amiral Halgan, en
ce qui concerne la situation des esclaves à la
MartiniqueMartinique, est en tout semblable à celui de
M. le contre-amiral DupotetM. le contre-amiral Dupotet, qu'il a
remplacé, et qui, lui-même, n'avait fait que confirmer à cet égard les
rapports de son prédécesseur. Cette unanimité d'opinions de la part
d'hommes investis de hautes fonctions, et qui se sont trouvés si bien
placés pour connaitre la vérité, nous parait de nature à dissiper
beaucoup d'injustes préventions, et à convaincre que le sort des
esclaves dans les colonies françaises laisse aujourd'hui peu de vœux à
former aux amis de l'humanité.
Ne serait-il pas permis de faire remarquer que cette unanimité des
gouverneurs pourrait bien ne prouver qu'une chose, savoir : qu'ils ont
été, dès leur arrivée, circonvenus par les mêmesinfluences. Et quant à M.
HalganM.
Halgan en particulier, à peine arrivé dans l'île, qui a
vu quelques habitations, et qui refuse les suppliques qu'on lui
présente, c'est une autorité qu'il est, quant à présent, permis de
récuser. »
(Messager.)
Si l'on en croyait le journal officiel, les esclaves ne seraient-ils pas dans un
el dorado véritable ; jouissant de ce bonheur tranquille et
pur, que l'on ne retrouve plus que dans les bergeries de Durfé et de Florian. Il
faut en vérité ne plus avoir de pudeur pour oser ainsi avancer des faits aussi
évidemment faux. Que le MoniteurMoniteur nous donne donc
sans réticences le rapport de l'amiral
Halgan, et qu'il nous dise si les maîtres signalés par l'amiral,
comme ayant assassiné des esclaves, jouissent de l'affection de ceux qui ont vu
mutiler leurs frères. Nous en appelons au rapport non tronqué ;
mais on n'osera pas le donner en entier, car il suffirait pour faire connaître
la mesure du bonheur des esclaves. Dans un prochain numéro nous examinerons ce
rapport, et nous supplérons aux omissions volontaires du
MoniteurMoniteur.
COLONIES FRANÇAISES.
CAYENNE.CAYENNE.
Nous recevons de CayenneCayenne la lettre suivante,
contenant sur la loi électorale des considérations dont nos lecteurs
comprendront toute l'importance.
« La législation coloniale publiée à la
Guiane
Guyane
Guiane
Guyane
, y est-il dit, est l'objet de nombreuses
réclamations. Les hommes de couleur ont vu dans la loi électorale une
véritable déception ; aussi ceux qui pouvaient atteindre le cens de 200
francs ont-ils montré une grande indifférence à participer aux élections.
Les blancs au contraire ont vu avec un vif sentiment de satisfaction la
consécration de leurs privilèges ; et comme le bill sur
l'abolition de l'esclavage a passé en Angleterre, nos
aristocrates consentiraient à introduire dans le conseil colonial deux
hommes de couleur sur seize, pourvu toute fois que ce fût des gens bien
dociles, n'ayant aucune relation avec ce BissetteBissette, éternel ennemi des intérêts coloniaux. »
SUPPLÉMENT
« Enfin ils sont parvenus à ce résultat, et deux hommes de couleur ont été admis
à faire partie du conseil, ce qui n'est qu'une véritable dérision, car on
sait quelle influence ils peuvent avoir dans les délibérations. Cette
exclusion de fait des hommes de couleur est une conséquence de l'élévation
exagérée du cens électoral, qui a été combiné de manière à les éloigner.
Il ne faut pour s'en convaincre que jeter les yeux sur la liste des
électeurs, arrêtée le 13 octobre 1833, pour la
Guiane
Guyane
francaise. »
Électeurs
Blancs
Hom. de couleur.
1e arrond. Ville de Cayenne
85
66
19
2e - lle Cayenne, Canal et Tour de-l'lle.
57
55
2
3e - Quartiers Tonnégrande et Mont-Sinéry.
21
12
9
4e - Quartiers de. Rouza et la Comté.
20
18
2
5e - Macouria, Kouron Synamary, Iracoula.
38
33
5
6e - Kair, Approuague, Oyapock.
24
19
5
MARTINIQUE.MARTINIQUE.
Les magistrats qui doivent composer la cour d'assises dans l'affaire de la
Grand'Anse sont : M.
PerrinelleM.
Perrinelle, RICHARD-LUCYRICHARD-LUCY et
M. Le Pelletier-DuclaryM. Le Pelletier-Duclary. Certes, on ne
pouvait mieux choisir pour transformer des
innocens
innocents
en coupables, que ces éternels jugeurs sous tous les régimes.
M. Perrinelle, dans le procès de 1824, de funeste mémoire, fut un
des trois juges, sur douze, qui votèrent pour la peine de mort. RICHARD LUCY,
procureur-général à cette époque, fit exécuter, au mépris du pourvoi en
cassation des condamnés, l'arrêt qui les condamnait aux galères à perpétuité et
à la marque. M. Le Pelletier-Duclary, cervelle timbrée, tenait le fauteuil,
requérant l'application de la pénalité dictée par son collègue RICHARD-LUCY.
Si l'on veut encore de nouvelles preuves de la moralité de cette affaire, il
suffit de faire connaitre les deux conseillers colons, MM. Jorna LacalleMM. Jorna Lacalle et Alphonse
BourkeAlphonse
Bourke, qui ont rendu l'ar-rêt de
renvoi devant les assises. M. Jorna Lacalle vota pour la
mort dans l'affaire de 1824. Ce magistrat est d'une incapacité
complète. M. Alphonse Bourke n'a jamais fait son droit,
mais dans le procès de 1824, il vota pour la peine des galères à
perpétuité, et en juge consciencieux vint s'assurer par lui-même de l'exécution
de l'arrêt auquel il avait concouru ; ses victimes attachées au poteau purent
facilement le voir à une des croisées de la maison de sa marraine, Mme
Duclésemur, où il était placé.
-Le 19 mai, on a procédé au tirage au sort des quatre assesseurs qui
doivent composer les assises ; ce sont : MM.
BaudinMM.
Baudin, Huygues-DespointesHuygues-Despointes,
Duval-DuguéDuval-Dugué (de la Grand'Anse) et GermaGerma. M. Duval-Dagué est plaignant et témoin à
charge dans l'affaire qu'il est appelé à juger. L'acte d'accusation porte, à la
page 39, que sur son habitation deux des accusés lui ont pillé son
tafia. Les accusés n'ont pu obtenir qu'il fût récusé, parce que MM. Aubert-ArmardAubert-ArmandAubert-ArmardAubert-Armand,
procureur du roi, et Selles, juge royal, ne trouvent pas
d'incompatibilité à ce qu'un blanc jugeant des nègres et des mulâtres soit en
même temps plaignant et témoin. Le caractère respectif de l'assesseur
Duval-Dugué et des accusés repousse toute idée de récrimination entre
eux…
-Lorsque les accusés de la Grand'Anse ont été transférés
de la prison au palais, pour le tirage au sort des assesseurs, un développement
extraordinaire de troupes a eu lieu ; des factionnaires placés de dix pas en dix
pas s'opposaient à tout rassemblement. En tête marchaient les sieurs LéonceLéonce et Arthur
TélémaqueArthur
Télémaque, emmenottés comme tous leurs co-accusés. Quatre-vingts
gendarmes formaient l'escorte et deux compagnies de voltigeurs fermaient la
marche.
-M. Armand AubertM. Aubert-Armand,
procureur du roi à Saint-Pierre, ne pouvant sans doute montrer autrement sa
partialité envers les hommes de couleur, les poursuit par une suite de petites
et misérables tracasseries, indices certains d'un esprit étroit et vétilleux. Ce
magistrat pousse l'oubli des convenances jusqu'à refuser les titres de
sieur et dame aux
parens
parents
des prévenus, dans l'affaire de la Grand Anse, qui sollicitèrent de
lui la permission de voir les malheureux prisonniers. Il parait que l'air des
colonies agit puissamment sur les Européens prédisposés à la vanité, puisqu'ils
adoptent sitôt des allures aussi ridicules que niaises.
Peu après la révolution de juillet, ce même magistrat, nommé juge royal à
CayenneCayenne, ne craignait pas de demander des
avis à l'un des mandataires des hommes de couleur à ParisParis ; il voulait, disait-il, s'éclairer de manière à pouvoir
faire exécuter les lois en dépit du mauvais vouloir des colons. A cette époque,
il est vrai, il rencontrait souvent ce mandataire dans les salons du ministre de
la justice, où il était accueilli. Cela explique bien des choses.
GUADELOUPE.GUADELOUPE.
La situation politique est toujours la même ; il y règne cependant plus de
tranquillité, ce qui provient moins, sans doute, de la satisfaction des partis,
que de la fatigue qu'ils éprouvent de ces collisions continuelles et sans
résultat. Il existe donc une sorte de trêve pendant laquelle les jeunes gens,
blancs et de couleur, se sont rapprochés, se sont
donné
donnés
la main et ont promis mutuellement de vivre désormais en frères.
Puisse cet engagement être de durée !
Le conseil colonial n'a pas formulé un seul décret ; il ne s'occupe jusqu'à ce
jour, qu'à faire de l'opposition, contre les améliorations projetées, aussi le
gouvernement, qui prévoit qu'il sera débordé tôt ou tard par cette nouvelle
institution, n'en est pas fort content.
L'agglomération de la garde nationale reste toujours une question ; sur ce point
aussi le conseil n'a rien statué.
BOURBON.BOURBON.
La position de cette colonie commence à se ressentir des quelques améliorations
apportées au régime colonial depuis la révolution de juillet. Les préjugés de
castes diminuent et finiront par disparaître lorsque les institutions auront
reçu de nouveaux
développemens
développements
.
On espère qu'aux prochaines élections, des hommes de couleur seront nommés au
conseil général. Déjà un grand nombre de voix sont assurées en faveur de
M. Louis ElieM. Louis Elie, qui jouit d'une grande
considération dans le pays.
Il règne quelque activité dans l'organisation des milices, et généralement on n'a
pas à se plaindre des autorités locales. Quant au commerce, il est nul, et les
espérances d'avenir sont bien faibles. La réélection
de M. Sully-BrunetM. Sully-Brunet, comme délégué, qui semblait
douteuse, paraît aujourd'hui assurée.
ALGER.ALGER.
Cette importante possession, dont il faut espérer que la colonisation ne se fera
plus attendre longtemps, commence à jouir de quelques avantages ; inévitables
résultats de sa position géographique et du sol fertile qui s'étend de la mer
aux pieds de l'Atlas. La cessation des hostilités de la
part des indigènes, la confiance renaissante, des transactions commerciales plus
actives, sont les premiers résultats d'une administration plus juste ; car la
justice est le premier bien des peuples, et les barbares eux-mêmes sacrifient à
ses autels. Quel sera donc l'avantage que la France
retirera de cette belle colonie, si le gouvernement la régit par ces principes
larges et
philantropiques
philanthropiques
qui seuls peuvent opérer une fusion entre le peuple conquis et le
peuple conquérant !
Ben-OmarBen-Omar, ex-bey de
Titeri, se montre toujours notre allié fidèle, et, plus
puissante que des armées, sa parole conciliatrice et sage nous fait de nouveaux
alliés ou raffermit les dispositions pacifiques de ceux que nous avons
acquis.
Ben-ZegriBen-Zegri, transfuge de Constantine, ainsi que le
juif Narboni, intrigans qui ont joué un grand rôle pendant les administrations
précédentes, sont en disgrâce complète et ont perdu les emplois qu'ils avaient
le talent de conserver sons tous les régimes. A cette nouvelle, les Arabes de
l'Atlas se sont montrés disposés à se rapprocher de nous, ce qu'
il
ils
ne faisaient pas auparavant.
Que la France s'empresse donc d'organiser cette belle colonie, et surtout qu'elle
n'oublie pas ce grand principe : que l'art de gouverner n'est point l'art de
pressurer.
COLONIES ÉTRANGÈRES.
SAINT-THOMAS.SAINT-THOMAS.
Si l'aristocratie coloniale se bornait à persécuter les hommes de couleur qu'elle
croit dangereux, elle manquerait en partie à sa mission ; il faut aussi qu'elle
poursuive même en pays étranger les malheureux qui ont encouru son
animadversion. Les haines aristocratiques sont
tenaces autant que celles des rois, et si NicolasNicolas poursuit les débris de la Pologne dans toutes les
parties du monde, si Charles-AlbertCharles-Albert réclame
partout ses victimes, l'aristocratie coloniale aussi rugit de fureur lorsqu'un
infortuné voué au bourreau vient à lui échapper ; ses sbires le traquent alors
en tout lieu, et si les traités, qu'elle sait rendre aussi flexibles que les
lois, lui en offrent quelque moyen, l'extradition vient satisfaire sa soif du
sang mulâtre et sa monomanie du supplice.
Après les
événemens
événements
de la Grand'Anse, un homme de couleur,
M. Auguste HavreM. Auguste Havre, se réfugia à l'ile
danoise de Saint-ThomasSaint-Thomas, espérant y trouver un
asile où ses persécuteurs ne viendraient pas le troubler. Son erreur était
grande ! Le sieur Morin, fils d'un pharmacien de Saint-PierreSaint-Pierre, étant allé à Saint-Thomas, le reconnut,
et ce jeune colon le dénonça comme fauteur de la grande révolution de la
Grand'Anse à M. l'amiral MackauM. l'amiral Mackau, commandant la
station des Antilles, qui se trouvait en ce moment dans cette colonie da noise.
Cet amiral, qui, pour de bonnes raisons, partage les préjugés coloniaux, demanda
l'extradition de M. Auguste Havre afin de le livrer aux autorités de la
Martinique, ce qu'il pourrait bien obtenir du gouvernement danois, qui, malgré
sa douceur habituelle, se laissera peut-être influencer par la crainte de
déplaire en France au ministère de la marine.
Il faut cependant espérer que le gouvernement de Saint-Thomas sera assez pénétré
de sa dignité pour ne pas sacrifier aux exigences d'un parti le repos et la vie
des malheureux qui viennent s'asseoir à son foyer. Où en serait-on si les
saintes lois de l'hospitalité pouvaient être impunément violées ?
SAINTE-LUCIE.SAINTE-LUCIE.
Avant son départ de la MartiniqueMartinique,
l'ex-gouverneur DupotetDupotet sollicita du gouverneur
de Sainte-LucieSainte-Lucie l'extradition de plusieurs des
accusés de la conspiration de la Grand'Anse, réfugiés en cette île,
faisant proposer en échange de ces infortunés plusieurs esclaves évades de
Sainte-Lucie. Le gouverneur anglais répondit avec dignité qu'il n'acceptait pas
cette proposition, qu'il ne pouvait le faire sans l'assentiment de son
gouvernement, et qu'il avait trop bonne opinion du ministère anglais pour
supposer un seul instant qu'il donnerait la main à une action aussi déloyale.
Peu de tempsaprès, ce gouverneur étant mort, M.
Dupotet ne craignit pas de récidiver sa demande auprès de son successeur. De
pareilles mesures ne peuvent entrer que dans des esprits rompus à la servilité
courtisanesque qui, comparant les hommes à des propriétés, croient que les
gouvernemens
gouvernements
peuvent selon leur bon plaisir les troquer, les vendre, en trafiquer.
Mais il n'y a rien-là qui puisse surprendre ; on sait que l'amiral Dupotet,
comme tous les pachas au petit pied auxquels est dévolue l'exploitation des
colonies, est uni de cœur, d'affection et d'intérêt avec les privilégiés de ces
contrées.
DOMINIQUE.DOMINIQUE.
La DominiqueDominique, ancienne colonie française,
aujourd'hui à la Grande-BretagneGrande-Bretagne, est de toutes
les Antilles celle où les préjugés de couleur ont le
moins de racine ; on peut même dire qu'il n'en existe plus, puisque les hommes
de couleur y remplissent les fonctions publiques comme les blancs, sans qu'il y
ait entre eux d'astre rivalité que celle du mérite. Il n'est donc pas surprenant
que cette ile hospitalière, qui en outre est voisine de la MartiniqueMartinique, soit un point de refuge pour nos malheureux
compatriotes persécutés. Eh bien ! le général DupotetDupotet, ex-gouverneur de la Martinique, a fait également au
gouverneur de cette colonie l'offre d'un trafic de chair humaine. Comme son
collègue de Sainte-LucieSainte-Lucie, ce dernier a refusé
péremptoirement. Les hommes d'honneur s'entendent partout.
NÉCROLOGIE.
LE GÉNÉRAL LAFAYETTELE GÉNÉRAL LAFAYETTE
Parmi les défenseurs de l'humanité, le plus constant, sans contredit, le plus
vertueux, le plus dévoué, ce fut LafayetteLafayette. Il
n'est plus ! Il est mort, le 20 mai dernier, des suites d'une
maladie contractée au convoi de l'infortuné DulongDulong, dont le vieux général voulut être, malgré quelques
symptômes d'indisposition, et qu'il suivit religieusement à pied, de la maison
mortuaire jusqu'à la tombe préparée pour recevoir les dépouilles mortelles denotre pauvre ami. La mort de Dulong a précipité celle
de Lafayette. Nous qui avons aimé le jeune député, et qui avions le bonheur de
contempler de près l'admirable vieillesse de l'illustre ami de WashingtonWashington, ce nous a été, à peu de distance, un
double sujet de douleur.
Le nom de Lafayette vivra tant que l'abnégation de tout intérêt personnel, le pur
et inreguptible dévouement à la cause de tous seront en honneur parmi les
hommes. Né dans une des plus anciennes familles de France, marié depuis peu à
Mlle de Noailles, il se fit tout à coup dans le naturel
excellent du jeune gentilhomme français une révolution qui le convertit pour
jamais à la cause démocratique. Ce fut comme une révélation d'en haut qui décida
de sa vie. Il ne demandait qu'un champ où il pût dignement employer ses nobles
facultés, quand la nouvelle de l'insurrection d'Amérique arriva en
Europe. Le jeune époux de Mlle de Noailles, le
brillant cavalier dont on vantait à Versailles la grâce
et les élégantes manières, n'a pas sitôt lu le manifeste de l'indépendance
américaine que le voilà gagné. La lecture de la Déclaration des
Droits fit de M. de Lafayette ce que nous l'avons vu, l'infatigable
avocat des opprimés, sans distinction de nation ni de couleur, et le promoteur
le plus sincère et le plus ardent de la liberté universelle.
L'intrépide volontaire aborda avec une incroyable joie cette terre à laquelle il
allait donner de son sang, où JeffersonJefferson,
AdamAdamsAdamAdams, et
WashingtonWashington l'attendaient, et d'où il ne
revint qu'après avoir assuré, avec ses illustres amis, par la capitulation de Yorkstown, qui termina la guerre de l'indépendance en
octobre 1781, l'existence nationale de la grande et sereine
république qui fut toujours pour lui l'objet d'une vive et patriotique
affection.
La vie politique de M. Lafayette est connue : la généreuse
part qu'il prit à la révolution de 1789, la force de logique, la clarté
simple, la foi inaltérable avec les lesquelles il mit en avant, à l'Assemblée NationaleAssemblée Nationale et dans la ConstituanteConstituante, les saints principes pour lesquels nous combattons,
n'ont pas besoin d'être rappelées. Plus d'une fois il y éleva la voix contre
l'esclavage des noirs et l'injustice qui excluait les hommes de couleur de
l'exercice des droits de cité, mais malheureusement souvent sans succès.
A cet égard, il ne se borna pas à la théorie, il y joignit la pratique, chose
plus rare : dès 1791, le général affranchit tous lesesclaves de ses possessions de la
Guiane
Guyane
française
Guiane
Guyane
française ; et à ce titre il doit être
particulièrement cher aux noirs et aux hommes de couleur, pour lesquels du reste
il n'a jamais cessé de revendiquer la liberté et toutes les prérogatives des
blancs.
En cette même année 1791, il prononça à la tribune ces paroles
mémorables : « D'après les décrets de l'Assemblée NationaleAssemblée Nationale,
je crois qu'il est clair que les hommes libres, propriétaires,
cultivateurs et contribuables sont des citoyens. Or, les hommes
de couleur sont propriétaires, cultivateurs, contribuables ; sont-ils des
hommes ? » (Les
applaudissemens
applaudissements
eurent peine à ne pas éclater. Il poursuivit avec cette ironie fine
qui lui était familière) : « Pour moi, je le pense ; et c'est pour émettre mon
opinion que j'ai demandé la parole. » Ici l'auditoire ne se contint plus,
et les
applaudissemens
applaudissements
et les bravos couvrirent la voix de l'orateur.
Dans la commission qui fut chargée, après la révolution de
juillet, d'examiner un projet de loi sur la même question, et qui ne
produisit que l'imparfaite loi qui nous régit, il déploya le plus grand zèle
pour l'extension des droits politiques des hommes de couleur ; mais l'entêtement
et les préjugés étroits de ses collègues paralysèrent sa bonne volonté.
Dans le cours de sa longue carrière, et relativement à la politique générale,
M. de Lafayette a pu se tromper quelquefois ; il a pu
surtout se laisser tromper. Nous regrettons qu'il ait laissé échapper, pour le
bonheur des hommes, les quelques belles occasions qui s'étaient offertes à lui
de tout régler d'après ses principes dans les affaires de
France et par suite dans celles du monde entier ;
mais, malgré toute chose, il faut lui rendre cette justice qu'aucun homme n'a
suivi, avec un plus beau caractère, au milieu même de quelques apparentes
contradictions, une ligne de conduite plus honorable et plus droite. Lafayette
seul, peut-être, parmi les personnages historiques, a su donner une réalité
pratique et positive à ce qu'on entend par le mot sacré de vertu.
IMPRIMERIE D'HERHAN, 380, RUE SAINT-DENIS.
Revue Coloniale
Revue Coloniale
The Revue Coloniale, was an ephemeral monthly periodical, printed in Paris during the year 1838. Its founder Édouard Bouvet and editor Rosemond Beauvallon conceived of it on the model of many similar, contemporaneous publications reporting on political and economic questions of interest to white colonists while also attending to arts and literature, as attested by the journal’s complete title: Revue Coloniale. intérêts des colons : marine, commerce, littérature, beaux-arts, théâtres, modes. In the December 1838 issue of the Revue des Colonies, Cyrille Bissette acknowledges the Revue Coloniale as both an ideological opponent and a competitor in the print market.
Fondée par Édouard Bouvet et dirigée par Rosemond Beauvallon, la Revue Coloniale, sous-titrée intérêts des colons : marine, commerce, littérature, beaux-arts, théâtres, modes, souscrit au modèle des revues destinées aux propriétaires coloniaux, rendant compte de l'actualité politique et économique des colonies tout en ménageant une place aux contenus littéraires, culturels et mondains. Dans le numéro de décembre 1838 de la Revue des Colonies, Cyrille Bissette reconnaît en la Revue Coloniale tant un adversaire idéologique qu'un concurrent dans le paysage médiatique.
Le Moniteur universel
Le Moniteur universel
Le Moniteur universel, often simply referred to as the “Le Moniteur” is one of the most frequently referenced nineteenth-century French newspapers. An important cultural signifier, it was referenced frequently in other publications, in fiction, and likely in contemporary discussions. Its title, derived from the verb monere, meaning to warn or advise, gestures at Enlightenment and Revolutionary ideals of intelligent counsel.
Initially, Le Moniteur universel was merely a subtitle of the Gazette Nationale, established in 1789 by Charles-Joseph Panckouke, who also published Diderot and d’Alembert’s Encyclopédie. Only in 1811 that the subtitle officially ascended to title.
The Moniteur had become the official voice of the consular government in 1799. Under the Empire, it gained the privilege of publishing government acts and official communications, effectively becoming the Empire's primary propaganda outlet. However, its role was not confined to this function. It survived various political regimes, including the Revolution and the death of Panckouke in 1798. Its longevity can be attributed to its adaptability, with its successive iterations reflecting the political culture of each historical stage, transitioning from an encyclopedic model during the Revolution, to a state propaganda tool during the First Empire, to a collection of political speeches under the constitutional monarchy and the Second Republic, and finally, to a daily opinion newspaper for the general public under Napoleon III.
During the print run of the Revue des Colonies, the “Moniteur” was divided into two main sections: the “official” and the “unofficial” part. Government documents and official communications were published in the official section, while other current events and various topics were featured in the unofficial section under a range of headings such as “Domestic,” “International,” “Entertainment,” etc. The texts cited in Revue des Colonies were most often found in the unofficial section, typically under the “Domestic” heading and on the front page.
Titles containing the label “Moniteur” followed by a toponym abounded throughout the nineteenth century: local or colonial titles used this formula to emphasize their official status, maintaining the distinction between the official and unofficial sections.
Laurence Guellec, « Les journaux officiels », La Civilisation du journal (dir. Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty, Alain Vaillant), Paris, Nouveau Monde, 2011. https://www.retronews.fr/titre-de-presse/gazette-nationale-ou-le-moniteur-universelhttps://www.retronews.fr/titre-de-presse/gazette-nationale-ou-le-moniteur-universel .
Le Moniteur universel, ou « Le Moniteur », est l’un des journaux les plus cités, sous cette forme abrégée et familière, au cours du XIXe siècle : on le retrouve, véritable élément de civilisation, dans la presse, dans les fictions, probablement dans les discussions d’alors. Ce titre, qui renvoie au langage des Lumières et de la Révolution, dérive étymologiquement du verbe monere, signifiant avertir ou conseiller. Il n’est d’abord que le sous-titre de la Gazette nationale, créée en 1789 par Charles-Joseph Panckouke, éditeur entre autres de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert ; ce n’est qu’en 1811 que le sous-titre, Le Moniteur universel, devient officiellement titre.
Lancé en 1789, ce périodique devient en 1799 l’organe officiel du gouvernement consulaire ; il obtient ensuite, sous l’Empire, le privilège de la publication des actes du gouvernement et des communications officielles, passant de fait au statut d’« organe de propagande cardinal de l’Empire ». Il ne se limite pourtant pas à cette fonction, et survit aux différents régimes politiques comme il a survécu à la Révolution et à la mort de Panckouke en 1798. Sa survie est notamment liée à sa capacité à changer : les modèles adoptés par sa rédaction, qu'ils soient choisis ou imposés par le pouvoir en place, reflètent de manière révélatrice la culture politique propre à chaque période marquante de son histoire. Ainsi, comme le souligne Laurence Guellec, il se transforme en une grande encyclopédie pendant la Révolution, devient un instrument de propagande étatique sous le Premier Empire, se mue en recueil des discours des orateurs durant la monarchie constitutionnelle et la Seconde République, puis se positionne en tant que quotidien grand public et journal d'opinion sous le règne de Napoléon III. Ajoutons enfin que les titres constitués du syntagme « Moniteur » suivi d’un toponyme sont nombreux, au cours du siècle, en France : les titres locaux ou coloniaux adoptent cette formule pour mettre en exergue leur ancrage officiel, et respectent la distinction entre partie officielle et non officielle.
À l’époque de la Revue des Colonies, Le Moniteur universel est organisé en deux grandes parties : la « partie officielle » et la « partie non officielle ». Les actes du gouvernement et les communications officielles, quand il y en a, sont publiés dans la partie officielle, en une – mais parfois en quelques lignes – et les autres textes, tous d’actualité mais aux thèmes divers, paraissent dans la partie non officielle sous des rubriques elles aussi variées : intérieur, nouvelles extérieures, spectacles, etc. Les textes que cite la Revue des Colonies paraissent dans la partie non officielle, le plus souvent sous la rubrique « Intérieur » et en une.
Laurence Guellec, « Les journaux officiels », La Civilisation du journal (dir. Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty, Alain Vaillant), Paris, Nouveau Monde, 2011. https://www.retronews.fr/titre-de-presse/gazette-nationale-ou-le-moniteur-universelhttps://www.retronews.fr/titre-de-presse/gazette-nationale-ou-le-moniteur-universel .